27 mai, 2011

Ce que les « climato-sceptiques » révèlent des institutions de la recherche en France

Ce que l'on pourrait appeler « l'affaire Allègre » est intéressante en ce qu'elle peut révèler. Et ces révélations ne concernent pas uniquement les personnages que sont Claude Allègre, Vincent Courtillot et les autres « climato-sceptiques », elles ne concernent aussi pas seulement leur conception assez étrange de l'éthique et particulièrement de l'éthique scientifique… Elles concernent aussi, en partie, le fonctionnement de l'Académie des Sciences et du CNRS. Et c'est peu dire que le constat n'est pas glorieux.

En effet, alors que toutes les académies des sciences — notamment les académies des sciences américaines et chinoises, issues des économies qui émettent le plus de CO₂ — dans le monde suivent les conclusions des climatologues et défendent la science contre ceux dont les intérêts économiques font qu'ils nient ce réchauffement, ou à tout le moins son origine anthropique, l'Académie des Sciences de France, elle… Organise un débat à la demande de Vincent Courtillot. De même, la présidente (à l'époque) du CNRS, Catherine Bréchignac, refuse pratiquement, d'après ce qu'écrit Stéphane Foucart dans son livre « Le populisme climatique », de prendre position au prétexte qu'elle n'est pas une spécialiste du climat.

Or, quand, suivant un « sondage » 95 % à 100 % des chercheurs impliqués dans différents aspects de la recherche sur le climat sont d'accord pour dire qu'il y a réchauffement, et que ce réchauffement est dû à l'action de l'homme, on peut dire qu'il y a un fort consensus. À mon sens, c'est la présence (ou l'absence) de ce consensus qui peut servir de guide à un non spécialiste pour se faire une opinion sur un sujet donné. Évidemment, on est sûr de se faire un nom en tant que chercheur si on bouscule ce consensus, mais on ne peut le faire n'importe comment : il faut que ce l'on dise soit cohérent. Si la recherche est expérimentale, elle doit être reproductible ailleurs… C'est pour cela que Benvéniste, par exemple, n'a jamais pu convaincre ses collègues. Outre que ce qu'il prétendait était en totale contradiction avec la chimie et la physique de l'époque (et l'est toujours), personne de sérieux n'a jamais pu reproduire ses expériences. Et personne, parmi les climato-sceptiques, n'a jusqu'à présent été capable de remettre en question ce consensus. Et les mensonges et diffamation d'Allègre et compagnie n'y changent rien.

La position de la présidente du CNRS de l'époque était donc surprenante — j'hésite à écrire complaisante —, mais elle n'était pas la seule. Et elle était loin d'être la pire. En effet, que dire de l'organisation des débats à l'Académie des Sciences ? En 2007, lors du premier débat, les textes des présentations devaient être soumis à l'avance, un peu comme si ce débat était un « jugement » du type de la controverse de Valladolid. En 2010, la teneur des débats était supposée rester secrète, on se demande bien pourquoi, si ce n'est pour préserver du ridicule les climato-sceptiques, que Stéphane Foucart et Sylvestre Huet ne se sont pas privés d'écorcher. Fort heureusement, pas mal de chercheurs sont maintenants fatigués des manipulations de Claude Allègre et de ses alliés, et la teneur de ces débats ne sont pas restés très secrets : suivant le constat de la revue Nature comme quoi les méthodes des climato-sceptiques (y compris des chercheurs climato-sceptiques) s'apparentent à un « combat de rue », ces scientifiques ont vraisemblablement décidé de ne pas faire de cadeaux aux négationnistes du climat. C'est de bonne guerre.

En laissant s'exprimer en son sein des énormités indignes de scientifiques (comme l'erreur désormais bien connue de la terre plate et noire), en cédant aux pressions des climato-sceptiques et en considérant, en quelque sorte, que les opinions des chercheurs compétents en la matière n'avaient pas plus de valeur que celles de tel ou tel géochimiste, de tel ou tel géographe ou de tel ou tel biologiste, l'Académie s'est discréditée. L'impression qui ressort est celle d'une académie dont le compteur temporel est resté bloqué au XIXème siècle, quand la somme des connaissances faisait qu'il était possible de s'intéresser à divers sujets et quand la recherche était moins professionnalisée qu'elle ne l'est maintenant. Or, aujourd'hui, un physicien ne peut prétendre devenir biologiste du jour au lendemain, et réciproquement.

Que Vincent Courtillot et Claude Allègre aient une influence politique est indéniable, et cette influence a contribué à « baîllonner » les climatologues quand ils pensaient qu'Allègre pourrait succèder à Valérie Pécresse au poste de ministre de la recherche (chose qui, malgé tout ce qui est à mettre au débit de Pécresse, n'aurait certainement pas constitué une amélioration). Cette influence a aussi joué sur le refus de la présidente du CNRS de se postionner, comme sur l'organisation des débat à l'Académie des Sciences : le premier débat a été organisé à la demande de Vincent Courtillot, quand au second, nul doute que le « secret » imposé l'a été par les climato-sceptiques. Ce que l'on voit, ici, c'est que l'influence politique tient lieu de compétence scientifique. Or si l'on veut une recherche qui soit efficace, une science qui essaye de rendre une vision du monde tel qu'il est et pas tel que l'on aimerait qu'il soit, la science doit être totalement libre d'influences politiques sous peine de tomber dans les dérives de l'administration Bush aux États-Unis qui censurait l'expression scientifique des climatologues employés par des agences fédérales (voir, ici aussi, le livre de Stéphane Foucart sus-cité).

Aucun commentaire: