20 décembre, 2011

Du politiquement correct

Récemment, CSP a constaté que le « politiquement correct » était mort. Qu'il avait échoué à changer les mentalités. Si je suis d’accord avec son constat, je doute que l’objectif du « politiquement correct » ait jamais été de changer les mentalités. Cette invention a surtout eu pour objectif d’adoucir l’oppression des minorités, visibles ou non, des femmes et de tous ceux qui sont différents. L’invention du « politiquement correct » n’a pas été faite pour les opprimés. Elle a été faite pour que les oppresseurs, et leurs auxiliaires des classes moyennes, aient bonne conscience. Le politiquement correct est l'équivalent sémantique des dons au sidaction, à la Croix-Rouge ou à n’importe quelle organisation caritative. Accessoirement, elle permettait de dépolitiser le quotidien des minorités, leur faisant croire que les courants de fond du racisme, de l’homophobie et de la mysoginie avaient disparus, et que ceux qui exprimaient de telles pensées réactionnaires n’étaient que les représentants d’un passé désuet. L’affaire DSK a d’ailleurs montré, de Jean-François Kahn à Ivan Levaï, que ce n’était pas le cas : les faiseurs d’opinion eux-mêmes donnent dans le sexisme — doublé du mépris de classe — du plus bas étage. Cette affaire aura au moins eu le mérite de révéler la boue qui leur sert de pensée.

Il n'est donc pas étonnant que le politiquement ait « échoué » à changer les mentalités : cela n’a jamais été l’objectif de cette révolution rhétorique

07 octobre, 2011

11 Septembre 2001

Bon, tout le monde y va de son billet, où il ou elle était le 11 Septembre 2001, ce qu'il ou elle faisait, ce qu'il ou elle a pensé, ressenti… Alors, moi, j'étais au boulot, encore en France et j'ai d'abord cru à un canular, puis à un accident, puis, quand le second avion a percuté la tour Sud, là je me suis dit que c'était un attentat. Mais, au contraire de Gascogne, jamais je ne me suis « sentit américain ». Après un moment de stupéfaction devant l'ampleur de l'attaque, j'ai vite repris les réflexes que j'avais à l'époque et je ne me suis jamais laissé aller à aucune émotion décervelée. Je me suis très vite dit que c'était le début d'un nouveau chantage émotionnel dans les démocraties occidentales. Ça n'a pas raté :  dès le lendemain, les éditocrates en poste à l'époque — essentiellement les mêmes qu'aujourd'hui — ont sommé les altermondialistes, dont je faisais et fait toujours partie, de se taire, d'accepter le monde tel qu'il était, sous peine d'être accusés de complicité avec les terroristes. D'aucuns disaient même, en usant d'une pirouette rhétorique que n'aurait pas renié un procureur stalinien, que les altermondialistes étaient les alliés objectifs des terroristes.
J'ai vu aussi assez vite les conséquences de cette attaque : l'érosion des droits tant aux États-Unis qu'en Europe, l'attaque sur l'Afghanistan, un mois après l'attaque sur les tours, alors que les talibans de l'époque réclamaient des preuves de l'implication de Ben Laden avant de le livrer — preuves que les États-Unis ont refusé de fournir —, et la montée en puissance de la propagande en faveur d'une attaque de l'Irak. Cette propagande est importante : à mon sens, c'est elle qui fonde toutes les théories du complot relatives au 11 Septembre 2001, mais je reviendrais sur ces théories plus tard. L'Irak était d'abord présenté comme un havre pour Al-qaïda, alors que, pays laïque en terre musulmane, il constituait une aberration au yeux de cette organisation. Ensuite, on a eu droit aux mensonges concernant les armes de destruction massive, mensonges dénoncés dès le début par les inspecteurs de l'ONU et puis, quand ce prétexte s'est lamentablement effondré, Blair et Bush ont inventé la démocratisation de l'Irak ; alors que, durant l'occupation de leurs troupes, ils ont tout fait pour éviter la tenue d'élections (ils ont dû céder sous la pression), que la répression syndicale exercée par les puissances occupantes (avec meurtre de syndicalistes) doit faire partie des rêves humides de Laurence Parisot et qu'ils voulaient renverser un dictateur sanguinaire qu'ils avaient contribué à fabriquer. C'est d'ailleurs tout le sens du procès de Saddam Hussein : il était jugé pour des crimes étalés sur une période de temps relativement restreinte, s'il en eût été autrement, l'implication de l'Occident dans les crimes qu'il a commis serait apparue au grand jour. Et quand je parle d'Occident, je parle bien sûr des États-Unis et de la Grande-Bretagne mais j'y inclue aussi la France et l'Allemagne.

Ces différents mensonges, alliés à l'érosion de la démocratie en Occident, et plus particulièrement aux États-Unis où le « Patriot Act » autorise la surveillance des lectures de la population, à conduit au développement des théories du complot qui toutes sous-entendent que cet acte terroriste était le fait d'une agence du gouvernement américain. Ces théories de la conspiration sont bien pratiques, parce que pendant que l'on s'empaille là-dessus, on ne parle pas de choses plus importantes, comme les conséquences qu'ont eu ces attaques sur les libertés dans les pays de l'Ouest ou les conséquences, beaucoup plus dramatiques celles-là, pour les habitants du Moyen-Orient.
En outre, après avoir lu la prose des tenants des théories de la conspiration, j'en suis venu à une conclusion pas très sympa pour ces derniers : ils reprochent souvent à leurs critiques d'accepter sans réserves ce qu'ils appellent la « thèse officielle » alors qu'eux-mêmes ne valent pas beaucoup mieux lorsqu'ils sont confrontés aux incohérences de leurs thèses. C'est pire que cela : ils prennent pour un journal scientifique un truc qui ne vaut pas mieux que «Answer in Genesis », et ils considèrent comme un papier fondamental, et « prouvant » qu'il y a eu des explosifs dans les tours, un papier qui a entraîné la démission d'au moins deux éditeurs — les éditeurs d'un journal ne démissionnent pas pour rien : c'est une position prestigieuse — dans une revue publiée par une maison d'édition qui publierait n'importe quoi, juste pour faire du fric. On a beau mettre le nez des complotistes sur ces faits, qui disqualifieraient n'importe quel papier, ils prétendent que cet article n'a jamais été réfuté. Et il est clair que l'on ne trouve pas de réfutation dans les journaux à comité de lecture. Mais c'est peut-être que les chercheurs sérieux ont autre chose à foutre qu'à investir du temps et de l'énergie dans quelque chose qui, de toute façon, ne servira à rien : les complotistes ont déjà décidé de ce qui était vrai ou pas. Tout ce qu'une telle entreprise pourrait rapporter au chimiste qui se lancerait dans pareille entreprise, c'est l'accusation d'être partie intégrante du complot. Au reste, dans des forums ou des blogs, cet article a déjà été réfuté. D'ailleurs, l'auteur principal du papier, Niels Harrit, ne semble pas vouloir discuter de ses résultats avec d'autres scientifiques. Je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi. Peut-être parce que le monsieur est un tantinet mégalo ?

Une autre caractéristique intéressante de ces types, c'est leur arrogance, inversement proportionnelle à leurs connaissances. Ainsi, j'ai quand même vu un type clâmer que le calcul des forces impliquées dans la chute des tours du World Trade Center était du niveau du secondaire, avec un physicien qui en plus, le corrige sur ce calcul facile. Cela ne l'a pas fait changer d'avis. De même, le célèbre — et infame — papier de Harrit et al comprend des techniques que l'on ne voit pas au secondaire, et l'on ne peut évaluer les conclusions de ce papier sans connaître ces techniques, ne serait-ce que pour voir si les conclusions tirées sont en accord avec ce que ces techniques permettent de déduire. Et sans cette compétence, on ne peut évaluer la qualité d'un papier et donc décider si ce qu'il raconte fait sens ou non.

Dans ce dernier cas, on est obligé de se reposer sur des « savants », des types qui ont étudié les techniques impliquées et ont les outils pour en déduire quoique que ce soit. C'est une démarche sensée si l'on n'est pas prêt à faire un mastère en chimie ou en construction civile. Pas pour les complotistes : une telle démarche repose sur la confiance (comme si leur acceptation de ce qui est dit par ailleurs ne relevait pas d'une confiance — aveugle, pour le coup), et l'on ne peut pas faire confiance, on va donc utiliser son bagage (le plus souvent du secondaire) pour avoir une opinion sur des faits qu'un bagage du secondaire ne peut expliquer. L'autre démarche, c'est de dire que « la science ne peut pas tout expliquer » ; alors, le doute est permis. Certes, d'ailleurs, à ce que j'ai compris, la FEMA ou le NIST ne prétendaient pas tout expliquer dans leurs rapports. Mais ce doute doit être basé sur un raisonnement un peu plus solide que celui qui consiste à dire que « la FEMA et le NIST ne peuvent pas tout expliquer, donc il y a eu complot ». En fait, c'est une contradiction chez eux : d'une part ils disent que la science ne peut pas tout expliquer (ce qui est vrai), et d'autres part, parce que les organismes chargés d'étudier la chute des tours du WTC ne peuvent pas tout expliquer, il y a eu complot ; impliquant donc que la science peut tout expliquer et que ne pas le faire signe le fait qu'il y a eu un complot. C'est un superbe exemple de rhétorique. Elle ne trompe que les bénêts, mais bon…

Il faut toujours se méfier des types qui vont avancer avec une telle rhétorique : il y a de grandes chances pour qu'il y ait embrouille.

12 septembre, 2011

Claude Guéant est raciste

Cette fois, c'est clair, comme le démontre sans ambiguïté cet article de Libération. Après cela, il pourra dire ce qu'il veut, mais quand on passe son temps à acoller les deux termes, dont l'un est « délinquant » et l'autre désigne une nationalité ou une communauté, on fait preuve de racisme à l'encontre de cette nationalité ou de cette communauté. Et les commerçants qui lui servent la soupe, en « dignes » héritiers de Poujade, ne valent pas mieux. Mais ces derniers ont tout-à-fait le droit de laisser s'exprimer la matière fécale qui leur sert de cervelle. Pour Guéant, c'est un tout autre problème : ce type représente l'État français ; en l'absence de désaveu de ses propos par soit le premier ministre, soit le président, la stigmatisation des roumains qui seraient selon Guéant tous délinquants est donc la position du gouvernement français. Donc, le gouvernement français est raciste, et comme ses membres sont solidairements responsables, ils le sont aussi. Fillon est raciste, Juppé est raciste, Sarkozy est raciste. La France, comme entité politique, est malheureusement raciste. Et, d'après Rue 89, dans son obsession à limiter le droit d'asile, homophobe, aussi.

31 août, 2011

William Hague dévoile les vraies raisons de l'intervention de l'OTAN

Hier en regardant une interview de William Hague (le ministre des affaires étrangères britannique), ce dernier mentionnait que le CNT devait coopérer avec l'OTAN. On a donc là un mouvement qui s'est libéré d'un dictateur sommé, au nom de « l'aide » apportée par l'OTAN, d'accepter le diktat de cette dernière organisation. On voit bien que la conception occidentale de la démocratie est très limitée : elle n'est acceptable que si cette démocratie ne va pas à l'encontre des intérêts occidentaux. C'est tellement passé dans les mœurs que les divers gouvernements ne s'en cachent même plus

 

La conclusion à tirer de cela est simple, en somme : l'OTAN est intervenu en Lybie pour contrôler la rébellion, pour ensuite avoir la légitimité pour pouvoir exercer un chantage sur les Lybiens.

Deux poids, deux mesures

Quand je militais à la Fédération Anarchiste, une notion communément développée était celle de « démocratie blindée ». Cette notion était intéressante en ce qu'elle posait que, dans les démocraties actuelles, ce qui était acceptable en termes de contestation était strictement borné : le capitalisme et ses fondements sont intouchables, par exemple. Tout comme la démocratie représentative telle qu'elle est pratiquée. Ce qui est intéressant, c'est que cette analyse est souvent confirmée en France, avec la mise en place d'outils de contrôle de la population dont l'objectif policier ne ce cache même plus. Bien sûr, tout cela est fait « pour produire de la sécurité », comme les LOPPSI 1 et 2 le disent. Les politiciens et les journalistes, tout au moins ceux qui ont intégré l'ordre bourgeois, n'aiment pas l'Internet : contrairement à la télévision, il n'est pas amnésique, on peut vérifier les dires des uns et des autres. On peut aussi diffuser des informations que certains aimeraient voir confinées dans certains cercles. Bien sûr, il y a beaucoup d'hurluberlus aussi. Mais la presse écrite d'Europe comporte aussi des torchons, elle n'est déontologiquement parlant pas supérieure à l'Internet, et je ne parle pas de l'audiovisuel.

Alors que Kouchner cherchait à promouvoir une forme de protection de la liberté d'expression sur Internet, Sarkozy a tout fait pour éviter que les conférences voulues par son ministre des affaires étrangères d'alors aient une quelconque substance. Inutile de mentionner que depuis que ce dernier a quitté le gouvernement, la protection de la liberté d'expression — déjà pas trop en cour à droite et sûrement pas chez Sarkozy — n'est même plus mentionnée. Ou lorsqu'elle l'est, c'est comme quelque chose qu'il faudrait limiter, et non promouvoir et protéger.

Les récentes émeutes de Londres ont relancé ce débat, avec, une fois n'est pas coutume, des anciens policiers portant la voix de la raison. Ainsi, alors que les médias et les politiciens eurent tôt fait de blâmer « Blackberry Messenger » ou Twitter, certains de ces policiers disaient que d'une part cela posait des problèmes au niveau légal et que les pillards (de leurs points de vue) vivent avec leur temps, et qu'en conséquence, tous ces phantasmes sur la censure de Twitter ou de BBM durant des évènements tels que celui-ci était non seulement spécieuse, mais aussi dangereuse : c'est ouvrir une boîte de pandore, et qui dit qu'il n'y aura pas ensuite de censure de ces réseaux, sous le prétexte fallacieux d'assurer la sécurité, lors des manifestations ?

 

Ce que j'ai aussi constaté, et je trouve que c'est assez frappant, c'est l'amnésie de la journaille qui, lors du Printemps Arabe, célébrait les réseaux sociaux comme facteur important de ce mouvement. Mais si cela ce passe chez nous, alors cela devient dangereux. Je me rappelle clairement l'embarras d'un journaliste de la BBC qui, alors qu'il pressait un représentant de RIM (la firme canadienne qui fabrique le Blackberry) de questions sur le supposé danger du cryptage pour la société, c'est donné beaucoup de mal pour ne pas mentionner la Tunisie et l'Égypte, pays qui lors du Printemps Arabe ont effectivement coupé Internet pour tenter de limiter le mouvement, avec le succès que l'on sait. Tout, comme, d'ailleurs, il s'est donné beaucoup de mal pour éluder les tentatives de l'Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis pour optenir les clefs du chiffre utilisé par RIM comme une nécessité dans la lutte contre le terrorisme, sans mentionner d'une part le rôle de l'Arabie Saoudite dans la répression au Bahreïn et d'autre part le fait que ces pays se soucient probablement plus de l'avènement d'un mouvement démocratique que de terrorisme (encore que pour les gouvernements de ces pays, tout comme pour les gouvernements occidentaux, c'est probablement la même chose).

 

Encore une fois, deux poids, deux mesures

18 juillet, 2011

Le vrai visage des droitards

En exprimant, le 14 Juillet dernier, ce qu'elle pensait du défilé militaire, Éva Joly s'attendait sûrement à ce que la droite, dans son ensemble, devienne hystérique. Elle ne fut pas déçue. À cette occasion, tout ce que la France compte de droite « républicaine » a montré son vrai visage : celui d'une vieille peau aigrie à la cervelle confite dans des traditions surannées. Celui d'une classe sociale soucieuse de défendre son outil de domination, en le faisant passer pour un instrument de protection de la population. Tout le monde sait que les intérêts défendus par l'armée française en Afghanistan ou au-dessus de la Lybie ne s'identifient pas nécessairement avec ceux de la population française, et tout le monde sait — surtout les polynésiens et les kanaks —, que l'armée française, comme toute les armées du monde, est très forte pour tirer sur les populations civiles. Y compris si ces populations sont françaises, comme les grêves de Fourmies ou la Commune de Paris l'ont montré.

Mais ce débat n'est pas très intéressant en soi : l'Histoire a déjà tranché. Et ceux qui voudraient voir, ou nous faire croire, que l'armée est une force qui protège la population française n'en peuvent mais. Ce qui est intéressant, en revanche ce sont les réactions des politiciens et des journalistes, des réactions souvent enflammées à des propos tenus sur un sujet somme toute très secondaire : ce n'est pas quand elle défile sur les Champs Élysées que l'armée est la plus dangereuse pour les libertés publiques.

Ce qui est réellement intéressant, donc, ce sont les réactions des politiciens. Comme à l'accoutumé, le PS joue les « ventres mous » de la politique en France, en considérant d'une part le changement de nature du défilé comme « inacceptable » (dixit Martine Aubry) tout en critiquant les réactions de la droite. On ne saurait blâmer le PS sur ce dernier point, cependant : les réactions de la droite « républicaine » des années 2010 ont plutôt évoqué les cagoulards des années 1930. En fait, ces réactions, comme je l'ai écrit plus haut, ont tout simplement été hystériques. Et celle-ci était telle que même Fillon, soit-disant plutôt modéré (encore que, quand on voit la politique qu'il accepte de mener), s'est laissé aller à puiser dans l'égoût qui sert de référence historique à la droite en France. Que n'a-t-on entendu de remarques sur la « binationalité » de Joly (une notion qui d'ailleurs n'existe pas au sens juridique) qui l'empêcherait de saisir complètement la culture et l' « âme » — comme si une zone géographique pouvait avoir, ou confèrer, une âme — de la France. D'autres éructaient que Joly devait « retourner en Norvège », qu'elle était un agent de l' « anti-France » ou bien une « soixante-huitarde attardée ». Un vocabulaire daté, au mieux, des années soixante-dix, au pire des années trente, à l'époque où la droite préférait Hitler au Front Populaire.

Mais que le PS soit un parti ventre-mou quand il s'agit des valeurs de gauche, ou que la droite soit une collection de vieilles ganaches, on le savait déjà. En revanche, que les éditorialistes et autres plumitifs se mettent au garde-à-vous à la moindre vision d'un type en kaki, voilà qui a de quoi être surprenant. Acrimed a un papier là-dessus. Ces « nouveaux chiens de garde », comme les appelle Serge Halimi, n'ont rien trouvé de mieux à se mettre sous la dent que la provocation d'Éva Joly (je ne crois pas un instant qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait) en dit long sur les sujets que nos éditoriaux daignent traiter, ou sur ceux qu'ils se refusent à traiter. On ne peut que constater qu'ils ont sauté sur cette remarque comme les paras sur Ðien Bien Phu : sans trop réfléchir. La courte recension d'Acrimed, où trois éditos — mais quels éditos, et quels auteurs — sont passés en revue. Ils ont tous une chose en commun : ils commencent, grands princes, par reconnaître le droit à Éva Joly d'exprimer son opinion sur le sujet… Pour le lui retirer aussitôt, au prétexte qu'elle serait un personnage public. Une candidate à l'élection présidentielle, qui plus est ! J'aimerais que ces éditocrates nous disent — honnêtement — en quoi cela est-il intéressant. Et qui sont-ils, d'ailleurs, pour décider de ce qui peut être dit, écrit, etc… ? Les trois éditocrates cités par Acrimed prétendent que ce qu'a dit Joly, mets la démocratie française — ou le peu qu'il en reste — en danger. Mais pourquoi ? Et comment ? Aucun argument ne vient étayer cette affirmation. Rien. On a beau relire ces éditos, le seul argument mentionné est celui du « lien armée-nation ». Un lien dont on aimerait avoir une façon de mesurer s'il existe réellement ou s'il est un dispositif de propagande pour faire passer un instrument de répression en instrument de protection des citoyens. Les poilus, ceux qui se sont mutinés, ceux qui ont écrit la « Chanson de Craonne » savait pour quels intérêts ils mourraient, et ils savaient que ce la « Nation » n'était pas le peuple français mais plutôt une infime partie des français. Et puis, la bataille de Valmy, c'était il y a longtemps…

 

Et pendant que les éditocrates déblattèrent sur cet épiphénomène, où sont les enquêtes de journalistes sur l'impact du régime sarkozyste sur la vie de ceux qui habitent en France. Où sont les reportages sur les traitements inhumains et dégradants infligés par la police française aux Sans-papiers ? On voit peu les actions et les rapports des No Border dans l'Express, le nouvel Obs ou au Figaro.

29 juin, 2011

Le bal des faux-culs

D’après Rue89, les lycées privés d'Île de France refusent de distribuer le « pass » contraception, au prétexte que les ados devraient discuter de sexualité avec leurs parents. Si le monde était idéal, nul doute que cela serait un bon conseil, mais, je ne sais pas pourquoi, je suppute que parmi les parents qui envoient leurs enfants dans ce type de lycée, il doit y en avoir une proportion non négligeable qui répondraient aux questions qui se posent les ados à cet âge en les envoyant qui au séminaire, qui au couvent. La pire réponse qui soit. On sait très bien que l'abstinence, que ce soit en tant que moyen de lutte contre les grossesses adolescentes ou de lutte contre l'épidémie de SIDA, est inefficace seule, partout où elle a été essayée. A contrario, le pass contraception à contribué à réduire les avortements demandés par les adolescentes… Mais l'église catholique, fascinée qu'elle est par la souffrance de l'humanité en général, considère le traumatisme d'une grossesse non désirée comme une leçon de vie. Et, comme d'habitude, loin de prendre leurs responsabilités, les cathos se défaussent. Et ce n'est pas la moindre des ironies de constater que cette fois-ci, ils se défaussent sur l'une des associations qu'ils détestent le plus : le planning familial. C'est en tout cas ce qui ressort des dires de l'infirmière du lycée Notre Dame de Sion. D'un côté, elle déclare, d'après Rue89 :

 

On m'a demandé le pass deux fois. Je n'ai pas le droit de le distribuer, nous estimons à Notre-Dame de Sion que les élèves doivent discuter de ces questions-là avec leurs parents.

Pour les mêmes raisons, nous refusons de donner la pilule du lendemain

 

 

Mais, si l'une des lycéennes se retrouve enceinte, alors là, la même dit  qu'elle « les envoit au planning familial ». Faire plus gonflé, c'est dur, je trouve.

 

 

 

 

 

24 juin, 2011

Les mesures d'austérité ? Une guerre contre les pauvres !

Partout en Europe, et pas seulement en Grêce, au Portugal ou en Irlande, les différents gouvernements décident de mesures d'austérité au prétexte, comme nous le disent les éditocrates britanniques, que l'on ne peut « moralement pas laisser la dette aux générations suivantes ». Au-delà de la réappropriation intéressante d'un thème écolo qui a au moins le mérite de se défendre ; les mesures prises montrent bien le foutage de gueule de haut niveau que les politiciens et leurs plumitifs nous vendent. Parce que pendant que l'on limite les allocations familiales en Angleterre aux ménages qui gagneraient moins de £26.000 par an (rien du tout quand on vit à Londres), on fait des cadeaux aux riches ou aux compagnies, comme l'accès à la concurrence du NHS, le service de santé anglais.

Mais si l'on veut protester trop haut, les mêmes qui annoncent des licenciements en masse, les mêmes qui vont jeter des familles entières dans la misère, les mêmes qui, en Angleterre vont priver une grande partie des nouveaux bacheliers d'un accès à l'Université, les mêmes qui se rendent coupables de crimes sociaux se mettent à pousser des cris d'orfraies pour quelques vitres brisées…

23 juin, 2011

Le dilemme des défenseurs des droits des animaux

Le 21 juin 2011, le journal britannique « i » publie en première page un article sur les « fondations en guerre » (Charities at war). Il ne s'agit pas, comme son nom pourrait l'indiquer, d'un article sur les organisations humanitaires et la guerre. Mais il s'agit bien d'une guerre, une bataille pour l'opinion qui se joue en Angleterre. Qu'en est-il exactement ?

Une fondation d'aide aux animaux, « animal aid » a lancé un appel à ne pas faire de donations à d'autres fondations impliquées dans le financement de la recherche médicale, au prétexte que ces dernières financent des recherches sur des animaux de laboratoire. Étant donné l'importance de ces fondations (Cancer Research UK est par exemple le plus gros financeur de recherches sur le cancer d'europe, et, contrairement à l'ARC et à la ligue contre le cancer, cette organisation dispose de ses propres laboratoires) pour la recherche au Royaume-Uni, on peut comprendre que cela arrive en première page d'un quotidien.

 

Au-delà de l'apparente « moralité » de cet appel, qu'en est-il réellement ? Peut-on, aujourd'hui, se passer de modèles animaux, que ce soit pour la découverte de nouveaux processus ou la compréhension de ces processus. Peut-on éviter de tester certains médicaments dans des essais précliniques, sur des animaux, avant de faire des essais sur l'homme ? La réponse, claire et sans ambiguïté est : non. Connaître le mécanisme d'action d'un médicament au niveau moléculaire, ou dans des cellules cultivées n'équivaut pas à comprendre son comportement une fois cette molécule injectée dans un organisme. Le métabolisme de cette organisme, et donc sa capacité à modifier la molécule injectée doit être prise en compte : si le « médicament » est modifié, cette modification peut être délétère pour l'organisme (auquel cas le médicament devient un poison) ou pour l'activité de cette molécule (auquel cas son intérêt thérapeutique est nul). Bien évidemment, l'un n'empêche pas l'autre : une molécule peut être toxique et avoir un intérêt thérapeutique nul. On m'objectera que le métabolisme de l'être humain n'est pas forcément exactement le même que celui d'une souris, ce qui est vrai, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle, une fois qu'une molécule développée est validée sur un modèle animal, elle entre dans différentes phases d'essais cliniques qui visent à évaluer la toxicité de cette molécule pour l'homme, son effet primaires et ses effets secondaires. Il y a aussi une phase de veille sanitaire une fois que la molécule est commercialisée, pour s'assurer que des effets délétères éventuels, indétectables lors des phases précédentes du fait des tailles limitées des échantillons, n'apparaissent pas. C'est une telle veille qui a détecté la nocivité du Mediator et fait qu'il aurait dû être interdit beaucoup plus tôt qu'il ne l'a été.

La recherche sur les animaux est donc inévitable, j'ai ici pris l'exemple du développement d'un médicament, mais c'est aussi vrai pour la recherche fondamentale, si on s'intéresse à ce qui se passe au niveau du système nerveux, ou au métabolisme du glucose dans un organisme pluricellulaire, par exemple, il est impossible de travailler avec des cultures de cellules. On doit utiliser des modèles animaux pour avoir une chance de comprendre ces phénomènes.

 

J'en viens maintenant au dilemme, je le dis tout net, le ton va un peu changer. J'estime que des gens qui veulent, dans les faits, bloquer la recherche au nom d'un bien être animal défendu — avec raison — par des règles éthiques draconiennes soit s'intéresse très peu aux vies humaines que la médecine moderne sauve, soit ne connaissent absolument rien du développement d'un médicament ou de l'état de la recherche et de la complexité des systèmes biologiques. Dans la première hypothèse, ce sont tout simplement des salauds, des adeptes de l'utilitarisme le plus étroit pour lesquels la vie d'un animal en bonne santé vaut plus que celle d'un membre de leur famille affecté par une maladie que la recherche sur les animaux peut aider, sinon à guérir, du moins à « gérer ». Pour les individus qui entrent dans la seconde catégorie, je ne saurais que trop suggérer de ne pas écouter les gourous de la première. Au lieu de cela, ils feraient bien de se renseigner, ne serait-ce que pour se faire une opinion un peu plus informée. Si ils considèrent que, tout de même, c'est pas bien de faire de la recherche sur les animaux, ils leur faut donc être cohérent et arrêter de recourrir à la médecine moderne en cas de maladie. Mais même dans ce cas, il reste un problème : qu'ils prennent ce type de décision pour eux-mêmes, soit. Mais qu'ils essayent d'empêcher une recherche qui pourrait sauver des gens qui ne partagent pas leurs délires, cela me pose un gros problème…

27 mai, 2011

Ce que les « climato-sceptiques » révèlent des institutions de la recherche en France

Ce que l'on pourrait appeler « l'affaire Allègre » est intéressante en ce qu'elle peut révèler. Et ces révélations ne concernent pas uniquement les personnages que sont Claude Allègre, Vincent Courtillot et les autres « climato-sceptiques », elles ne concernent aussi pas seulement leur conception assez étrange de l'éthique et particulièrement de l'éthique scientifique… Elles concernent aussi, en partie, le fonctionnement de l'Académie des Sciences et du CNRS. Et c'est peu dire que le constat n'est pas glorieux.

En effet, alors que toutes les académies des sciences — notamment les académies des sciences américaines et chinoises, issues des économies qui émettent le plus de CO₂ — dans le monde suivent les conclusions des climatologues et défendent la science contre ceux dont les intérêts économiques font qu'ils nient ce réchauffement, ou à tout le moins son origine anthropique, l'Académie des Sciences de France, elle… Organise un débat à la demande de Vincent Courtillot. De même, la présidente (à l'époque) du CNRS, Catherine Bréchignac, refuse pratiquement, d'après ce qu'écrit Stéphane Foucart dans son livre « Le populisme climatique », de prendre position au prétexte qu'elle n'est pas une spécialiste du climat.

Or, quand, suivant un « sondage » 95 % à 100 % des chercheurs impliqués dans différents aspects de la recherche sur le climat sont d'accord pour dire qu'il y a réchauffement, et que ce réchauffement est dû à l'action de l'homme, on peut dire qu'il y a un fort consensus. À mon sens, c'est la présence (ou l'absence) de ce consensus qui peut servir de guide à un non spécialiste pour se faire une opinion sur un sujet donné. Évidemment, on est sûr de se faire un nom en tant que chercheur si on bouscule ce consensus, mais on ne peut le faire n'importe comment : il faut que ce l'on dise soit cohérent. Si la recherche est expérimentale, elle doit être reproductible ailleurs… C'est pour cela que Benvéniste, par exemple, n'a jamais pu convaincre ses collègues. Outre que ce qu'il prétendait était en totale contradiction avec la chimie et la physique de l'époque (et l'est toujours), personne de sérieux n'a jamais pu reproduire ses expériences. Et personne, parmi les climato-sceptiques, n'a jusqu'à présent été capable de remettre en question ce consensus. Et les mensonges et diffamation d'Allègre et compagnie n'y changent rien.

La position de la présidente du CNRS de l'époque était donc surprenante — j'hésite à écrire complaisante —, mais elle n'était pas la seule. Et elle était loin d'être la pire. En effet, que dire de l'organisation des débats à l'Académie des Sciences ? En 2007, lors du premier débat, les textes des présentations devaient être soumis à l'avance, un peu comme si ce débat était un « jugement » du type de la controverse de Valladolid. En 2010, la teneur des débats était supposée rester secrète, on se demande bien pourquoi, si ce n'est pour préserver du ridicule les climato-sceptiques, que Stéphane Foucart et Sylvestre Huet ne se sont pas privés d'écorcher. Fort heureusement, pas mal de chercheurs sont maintenants fatigués des manipulations de Claude Allègre et de ses alliés, et la teneur de ces débats ne sont pas restés très secrets : suivant le constat de la revue Nature comme quoi les méthodes des climato-sceptiques (y compris des chercheurs climato-sceptiques) s'apparentent à un « combat de rue », ces scientifiques ont vraisemblablement décidé de ne pas faire de cadeaux aux négationnistes du climat. C'est de bonne guerre.

En laissant s'exprimer en son sein des énormités indignes de scientifiques (comme l'erreur désormais bien connue de la terre plate et noire), en cédant aux pressions des climato-sceptiques et en considérant, en quelque sorte, que les opinions des chercheurs compétents en la matière n'avaient pas plus de valeur que celles de tel ou tel géochimiste, de tel ou tel géographe ou de tel ou tel biologiste, l'Académie s'est discréditée. L'impression qui ressort est celle d'une académie dont le compteur temporel est resté bloqué au XIXème siècle, quand la somme des connaissances faisait qu'il était possible de s'intéresser à divers sujets et quand la recherche était moins professionnalisée qu'elle ne l'est maintenant. Or, aujourd'hui, un physicien ne peut prétendre devenir biologiste du jour au lendemain, et réciproquement.

Que Vincent Courtillot et Claude Allègre aient une influence politique est indéniable, et cette influence a contribué à « baîllonner » les climatologues quand ils pensaient qu'Allègre pourrait succèder à Valérie Pécresse au poste de ministre de la recherche (chose qui, malgé tout ce qui est à mettre au débit de Pécresse, n'aurait certainement pas constitué une amélioration). Cette influence a aussi joué sur le refus de la présidente du CNRS de se postionner, comme sur l'organisation des débat à l'Académie des Sciences : le premier débat a été organisé à la demande de Vincent Courtillot, quand au second, nul doute que le « secret » imposé l'a été par les climato-sceptiques. Ce que l'on voit, ici, c'est que l'influence politique tient lieu de compétence scientifique. Or si l'on veut une recherche qui soit efficace, une science qui essaye de rendre une vision du monde tel qu'il est et pas tel que l'on aimerait qu'il soit, la science doit être totalement libre d'influences politiques sous peine de tomber dans les dérives de l'administration Bush aux États-Unis qui censurait l'expression scientifique des climatologues employés par des agences fédérales (voir, ici aussi, le livre de Stéphane Foucart sus-cité).

02 mai, 2011

Ben Laden mort : Maintenant, il va falloir qu'ils trouvent autre chose.

Ben Laden a été tué. Bon. Et maintenant ? Quel sera le grand ennemi de nos dirigeants ? La Libye ? La Syrie ? L'Iran ? Ils vont en avoir besoin. En 2012, en France, mais surtout aux États-Unis, se profilent des élections présidentielles. Et il ne faudrait surtout pas que les électeurs se mettent à s'intéresser à ce qui les touchent vraiment : la santé, les retraites, l'emploi…

Et puis, cette nouvelle, apparemment si importante, ne semble « réjouir » que le monde occidental, à moins que, pour Libération, le monde se limite au monde occidental. Ce ne serait pas la première fois que des journaux feraient un tel raccourci. Qu'en est-il des autres parti de la planète ? Considère-t-on cette nouvelle de la même manière ailleurs ? Ou l'impérialisme de l'Occident est-il un plus gros problème ? On ne le saura pas en lisant la presse occidentale. Sur Al Jazeera, par exemple, on peut lire que :

« But for the Muslim world, bin Laden has already been made irrelevant by the Arab Spring that underlined the meaning of peoples power through peaceful means. »

Dont une traduction approximative donne :

« Mais pour le monde arabe, l'idéologie de Ben Laden n'est plus pertinente depuis que le Printemps Arabe a souligné la signification du pouvoir des people par des moyens pacifiques ».

Pour cet auteur, la mort de Ben Laden n'est que la fin d'un alibi. Il rappelle aussi que les premières victimes du terrorisme d'Al-Qaeda sont des arabes, et non des occidentaux.

 

En parlant de Printemps Arabe, on a beaucoup entendu la France sur la Libye, elle s'est illustrée par un lapsus révélateur lors de la révolution du Jasmin — Alliot-Marie proposant l'aide de la France pour mater la rébellion. Un lapsus qui en dit long sur ce que pensent les pays occidentaux de la démocratie : elle doit être sérieusement encadrée au niveau occidental (d'où la construction européenne en technocratie), prévenue, voire combattue dans les pays où les citoyens risquent de ne pas voter « comme il faut » (bande de Gaza, Vénézuela…). Là où les États occidentaux ont des intérêts, on préfère de loin qu'il n'y en pas de démocratie. Ainsi, les États du Golfe ont-ils, eux aussi, un Printemps Arabe, mais voilà, ceux qui protestent sont chiites. Et si il y a une chose que les Occidentaux ne veulent pas, ce sont des démocraties dans ces régions. Elles ont de bonnes chances d'être gouvernées par des chiites. Au final, l'Iran ne serait plus du tout isolé dans la région… Et les réserves de pétrole risquent d'être controlées par les pays où elles se trouvent. Inacceptable. Ni pour les États-Unis, ni pour leurs valais. En conséquence les mouvements sociaux sont bien rapportés (le moyen de faire autrement) mais on n'entend pas beaucoup la France ou le Royaume-Uni protester contre les condamnations à mort à Bahreïn ou l'arrestation d'un professeur de la Sorbonne à Abou-Dhabi.

01 mai, 2011

Pendant le mariage, une apologie de l'ignorance au détriment de la connaissance ?

Éh oui, moi aussi, je n'ai pas échappé au « mariage du siècle ». C'est d'autant plus vrai que vivant en Angleterre, j'aurais eu bien du mal à échapper au matraquage médiatique qui dure depuis au moins un mois à une intensité élevée (il a duré plus longtemps mais pas à ce point). Bon, je n'ai pas vraiment regardé, je bidouillais sur la dernière version d'Ubuntu. Mais ma compagne l'a regardé, elle. Au-delà des commentaires débiles des journalistes (sur la fierté d'être britannique, sur la jeunesse de la foule, ce genre de conneries), qui ne dépareraient pas dans la bouche d'une ganache comme Jean-Claude Narcy, une chose a attiré mon attention. C'est le laïus du prêtre qui officiait. À un moment, mais je ne me rappelle plus exactement, il a parlé de ne pas baser le progrès sur la « recherche de la connaissance » mais sur une « sagesse » dont on se demande bien d'où elle viendrait ; parce que si on voit la sagesse comme la capacité de faire des choix informés, on voit mal comment faire ces choix sans un minimum de connaissance. Bonjour la cohérence du propos.

 

En définitive, moi qui voyait les anglicans comme des croyants un peu moins débiles que les autres, je m'aperçois que ce n'est pas le cas : comme toutes les religions, et singulièrement les religions du livre, l'anglicanisme est obscurantiste.

26 avril, 2011

Quelle controverse, quel débat ?

Quand j'ai déménagé à Londres, mes anciens collègues m'ont offert un « Lonely Planet » dans lequel on peut lire que Londres a été le lieu ou la théorie « controversée » de l'évolution a été inventée. Quand il y a un sujet sur le changement climatique, certains journalistes réclament un « débat » à la recherche d'une position « médiane ». Une autre fois, sur un forum, un intervenant qui contestait la réalité du SIDA — ou du VIH comme agent infectieux responsable du SIDA — réclamait un droit à la liberté d'expression. Bien entendu, le fait même qu'il puisse s'exprimer montre que ce droit lui était déjà acquis, ce qu'il contestait, c'étaient les réactions virulentes qu'il a suscité.

Ces quelques exemples montrent bien le problème auquel les scientifiques doivent faire face aujourd'hui : un relativisme qui fait que le débat scientifique est vécu comme un débat politique, alors que les deux ont des différences fondamentales. Ainsi, comme le dit très bien Stéphane Foucart dans l'introduction de son livre « Le Populisme climatique », si la science se construit par la discussion, elle ne se construit jamais par la négociation. La nature ne négocie pas. Et, par extension, les scientifiques non plus. Au plus ils débattent des données et de leur interprétation, et il n'y a pas de voie « médiane » : si un des débatteur a raison, l'autre aura forcément tord. Mais est-ce que les controverses que j'ai évoqué plus haut en sont vraiment ?

Assurément, dans la rue, oui. Mais parmi les acteurs de la science, parmi les producteurs de savoir ? En bref, parmi ceux qui savent de quoi ils parlent ? À peine. En fait, dans les cas de la théorie de l'évolution (théorie au sens scientifique du terme, à savoir une théorie de faits qui confirment dans ce cas précis, l'hypothèse) ou dans celui du réchauffement climatique, les « dissidents » sont surtout des idéologues avant d'être des scientifiques. En outre, comme dans le cas de Claude Allègre en France, ils sont rarement spécialistes du domaine qu'ils critiquent.

Un des problèmes que le public peut avoir avec la science, c'est le manque supposé d'observations directes, comme dans le cas de l'évolution ou des sciences du climat. Or, rien n'est plus faux, au moins en ce qui concerne l'évolution. Cette exigence, si elle était prise au sérieux, transformerait les sciences en un catalogue d'anecdotes, pas franchement quelque chose d'utile à la compréhension du monde. Or, si on doit assigner un but aux sciences, c'est bien la compréhension de ce monde ; et de l'univers, tant qu'on y est. Pour ce faire, on ne peut se contenter d'observations anecdotiques, il faut mettre ces observations en contexte, les confronter à d'autres observations faites ailleurs, ce qui permettra de construire des hypothèses qui seront ensuite validées ou non, par d'autres observations. C'est le processus habituel de la recherche. Et c'est ce processus qui a permit a Darwin d'énoncer sa fameuse hypothèse, amplement confirmée depuis. C'est aussi ce processus qui a permit de conclure que le CO₂ émis dans l'atmosphère pouvait, en fonction de la quantité émise, altérer le climat de la planète.

Ce processus conduit à un « consensus » au sein des scientifiques. Ce consensus est l'interprétation majoritaire qui fait que, dans le cas de la biologie, il n'y a pas de controverse : l'Évolution n'est pas une théorie au sens vernaculaire du terme. Elle est un fait scientifique. En fait, elle est l'un des faits les mieux établis. Quand au climat, là aussi, le consensus semble large parmi les chercheurs qui l'étudient… Ces deux sujets ne sont donc pas sujets à débat dans la communauté scientifique. En fait, ceux qui réclament un « vrai » débat scientifique ont un train de retard : le débat sur l'interprétation des données a eu lieu, et il a conduit à un consensus scientifique qui est l'interprétation qui a le plus de chances d'êtres juste en fonction des données disponibles. Ceux qui réclament un « débat » ont un gros problème : l'issue de ce débat, qui a déjà eu lieu, ne leur convient pas, et donc ce débat n'a jamais existé… C'est une attitude politique, mais sûrement pas scientifique.

06 mars, 2011

10E-23

Pas mal de personnes autour de moi sont des critiques féroces des scientifiques. Suivant l’interlocuteur, ceux-ci seraient vendus au grand capital, des apprentis sorciers qui feraient courrir des risques inacceptables pour l’humanité ou, plus bizarrement encore, de tristes sires qui voudraient éliminer le rêve que l’ignorance serait sensée confèrer. Aucun de ces épithètes n’étant, bien sûr, exclusif, en sorte que nous sommes souvent dépeints comme des types plus ou moins jaunissants, à lunettes, chauves et voûtés qui ne sentent pas forcément très bon à force de traîner trop prêt des bouteilles de formol. Si le scientifique est une scientifique, à part le fait d’avoir un peu plus de cheveux sur le crâne et un « look » suranné, rien ne change, foncièrement. Çà, c’est en France. Parce que au Royaume-Uni, être chercheur, c’est cool.

Bon, le problème n’est pas tant dans les stéréotypes — encore qu’ils en disent long, à mon sens —, mais dans ce qu’ils révèlent de l’ignorance qu’ont la plupart des gens du fonctionnement de la recherche, de l’importance qu’elle a dans la construction du monde tel qu’on le connaît, et dans le fait qu’elle — mais oui — sauve des vies.

Cette ignorance conduit à des drames comme celui-ci, où un couple de végétaliens a refusé l’hospitalisation de leur fillette laquelle est morte. Dans un registre moins dramatique, il y a l’homéopathie.

L’homéopathie postule, en gros, que l’on peut soigner le mal par le mal. Hannemann est le charlatan médecin responsable de cette escroquerie, qui dure plus de deux cent ans. Quels sont les prédicats de cette « méthode » ? Simplement, Hannemann a décidé, et c’est bien le terme, que l’on pouvait soigner un mal en utilisant des composés qui provoquent les mêmes symptômes qu’une maladie donnée. Heureusement pour ceux qui croient que l’homéopathie marche, il a aussi décidé que plus cette substance est diluée, plus elle est efficace. Cerise sur le gâteau, un peu comme avec un Orangina, il faut bien secouer pour qu’il y ait un effet.

Ceux qui croient que l’homéopathie fonctionne me diront certainement, que, « oui, ça à l’air farfelu, mais ça marche ; la preuve, j’ai soigné le rhume de mon bambin en trois jours avec Oscillococcinum™. Deux choses : primo, voilà comment est préparé l’Oscillococcinom. D’où ma remarque sur le fait qu’il est heureux que ces « préparations » soient très diluées. Deuxio, « La durée du rhume courant est de sept jours en moyenne et les symptômes sont plus intenses entre le troisième et le cinquième jour. » Comme en général on ne commence le traitement que lorsque les symptômes sont les plus intenses, on voit que cette « guérison » ne doit rien au « traitement » homéopathique. C’est simplement ce que l’on pourrait appeler un retour à la normale.

Les homéopathes, et avec eux tous les charlatans, prétendent que la science actuelle ne sait pas répondre, ou plutôt comprendre, les paradoxes que leur pratique induit. Ils prétendent que même si les dilutions qu’ils utilisent vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour se débarasser d’une molécule, leurs pilules sont quand même efficaces. Et de citer des anecdotes de guérisons plus ou moins miraculeuses. Mais voila des anecdotes ne sont pas des données scientifiques. Et dès que l’on se met à tester leurs assertions dans des essais cliniques randomisés et en double aveugle (le patient ne sait pas ce qu’il reçoit, le médecin ne sait pas ce qu’il donne), cette affirmation vole en éclats. Particuliérement si on se réfère aux méta-analyses (qui compilent toutes les études sur un traitement donné pour une indication donnée), qui démontrent que les effets des traitements homéopathiques ne dévient pas par rapport à ce qui est observé pour des placebos. Voici un exemple qui concerne l’hyperactivité et son « traitement » par homéopathie. Ce que disent les auteurs de cette étude :

AUTHORS' CONCLUSIONS: There is currently little evidence for the efficacy of homeopathy for the treatment of ADHD. Development of optimal treatment protocols is recommended prior to further randomised controlled trials being undertaken.

À noter que, en sciences, « little evidence », qui signifie « peu de preuves », est une tournure diplomatique. Ce qu’il faut lire, en fait, serait plutôt du genre « pas de preuves du tout ». Ce que les homéopathes et leurs malades observent est un effet bien connu, culturel autant que médical : l’effet placebo. Un effet si puissant que l’on peut faire vomir quelqu’un rien qu’en le convaincant que l’antiémétique qu’on lui a prescrit est en fait un vomitif. Bien sûr, celui qui convainc doit être dans une position d’autorité.

 

Pourquoi me direz-vous, je m’en prends aux homéopathes ? Si, en Europe, leur impact sur la santé publique est relativement limité (encore que…), que dire de celui-ci quand ils préendent soigner le SIDA en Afrique ou le choléra en Haïti, ça me pose un autre problème. Loin de proposer une alternative à la médecine basée sur les faits, ils proposent à ces populations la seule alternative à la vie : la mort.