23 juin, 2011

Le dilemme des défenseurs des droits des animaux

Le 21 juin 2011, le journal britannique « i » publie en première page un article sur les « fondations en guerre » (Charities at war). Il ne s'agit pas, comme son nom pourrait l'indiquer, d'un article sur les organisations humanitaires et la guerre. Mais il s'agit bien d'une guerre, une bataille pour l'opinion qui se joue en Angleterre. Qu'en est-il exactement ?

Une fondation d'aide aux animaux, « animal aid » a lancé un appel à ne pas faire de donations à d'autres fondations impliquées dans le financement de la recherche médicale, au prétexte que ces dernières financent des recherches sur des animaux de laboratoire. Étant donné l'importance de ces fondations (Cancer Research UK est par exemple le plus gros financeur de recherches sur le cancer d'europe, et, contrairement à l'ARC et à la ligue contre le cancer, cette organisation dispose de ses propres laboratoires) pour la recherche au Royaume-Uni, on peut comprendre que cela arrive en première page d'un quotidien.

 

Au-delà de l'apparente « moralité » de cet appel, qu'en est-il réellement ? Peut-on, aujourd'hui, se passer de modèles animaux, que ce soit pour la découverte de nouveaux processus ou la compréhension de ces processus. Peut-on éviter de tester certains médicaments dans des essais précliniques, sur des animaux, avant de faire des essais sur l'homme ? La réponse, claire et sans ambiguïté est : non. Connaître le mécanisme d'action d'un médicament au niveau moléculaire, ou dans des cellules cultivées n'équivaut pas à comprendre son comportement une fois cette molécule injectée dans un organisme. Le métabolisme de cette organisme, et donc sa capacité à modifier la molécule injectée doit être prise en compte : si le « médicament » est modifié, cette modification peut être délétère pour l'organisme (auquel cas le médicament devient un poison) ou pour l'activité de cette molécule (auquel cas son intérêt thérapeutique est nul). Bien évidemment, l'un n'empêche pas l'autre : une molécule peut être toxique et avoir un intérêt thérapeutique nul. On m'objectera que le métabolisme de l'être humain n'est pas forcément exactement le même que celui d'une souris, ce qui est vrai, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle, une fois qu'une molécule développée est validée sur un modèle animal, elle entre dans différentes phases d'essais cliniques qui visent à évaluer la toxicité de cette molécule pour l'homme, son effet primaires et ses effets secondaires. Il y a aussi une phase de veille sanitaire une fois que la molécule est commercialisée, pour s'assurer que des effets délétères éventuels, indétectables lors des phases précédentes du fait des tailles limitées des échantillons, n'apparaissent pas. C'est une telle veille qui a détecté la nocivité du Mediator et fait qu'il aurait dû être interdit beaucoup plus tôt qu'il ne l'a été.

La recherche sur les animaux est donc inévitable, j'ai ici pris l'exemple du développement d'un médicament, mais c'est aussi vrai pour la recherche fondamentale, si on s'intéresse à ce qui se passe au niveau du système nerveux, ou au métabolisme du glucose dans un organisme pluricellulaire, par exemple, il est impossible de travailler avec des cultures de cellules. On doit utiliser des modèles animaux pour avoir une chance de comprendre ces phénomènes.

 

J'en viens maintenant au dilemme, je le dis tout net, le ton va un peu changer. J'estime que des gens qui veulent, dans les faits, bloquer la recherche au nom d'un bien être animal défendu — avec raison — par des règles éthiques draconiennes soit s'intéresse très peu aux vies humaines que la médecine moderne sauve, soit ne connaissent absolument rien du développement d'un médicament ou de l'état de la recherche et de la complexité des systèmes biologiques. Dans la première hypothèse, ce sont tout simplement des salauds, des adeptes de l'utilitarisme le plus étroit pour lesquels la vie d'un animal en bonne santé vaut plus que celle d'un membre de leur famille affecté par une maladie que la recherche sur les animaux peut aider, sinon à guérir, du moins à « gérer ». Pour les individus qui entrent dans la seconde catégorie, je ne saurais que trop suggérer de ne pas écouter les gourous de la première. Au lieu de cela, ils feraient bien de se renseigner, ne serait-ce que pour se faire une opinion un peu plus informée. Si ils considèrent que, tout de même, c'est pas bien de faire de la recherche sur les animaux, ils leur faut donc être cohérent et arrêter de recourrir à la médecine moderne en cas de maladie. Mais même dans ce cas, il reste un problème : qu'ils prennent ce type de décision pour eux-mêmes, soit. Mais qu'ils essayent d'empêcher une recherche qui pourrait sauver des gens qui ne partagent pas leurs délires, cela me pose un gros problème…

Aucun commentaire: