27 avril, 2009

Que faire ?

Une bonne question, déjà posée par Lénine il y plus d'un siècle. Je sors ce blog de sa longue hibernation. Non pas pour, comme lors de certains de mes précédents posts, m'interroger sur le sens de la vie et tout ce qui s'ensuit... Je venais de me faire larguer et bon, il fallait que je m'épanche. Pas très intéressant, mais cela a au moins eu le mérite de m'éviter de payer un psychologue.

Plus sérieusement, je vais parler un peu de ma lointaine vision de la crise de la recherche en France. Cela m'intéresse car, étant chercheur moi-même, je suis en train de me poser pas mal de questions sur un éventuel retour en France. Tout d'abord, j'ai fait ma thèse en Allemagne et je suis actuellement chercheur à Londres. Je n'ai été qu'étudiant en France.
La situation en France est inquiétante, non du fait des chercheurs, qui n'ont pas à rougir par rapport à leurs collègues de l'étranger. Les labos français, en terme de publications, sont souvent dans les cinq premiers. Les discours de la droite sur un supposé déficit de qualité de la recherche française sont donc mensongers et démentis par les faits. Malheureusement, cette majorité semble être caractérisée par un déni de la réalité et une raideur idéologique rarement atteinte, à part peut-être dans l'administration Bush ou en Corée du Nord. À moins que ce ne soit qu'un anti-intellectualisme primaire de bon aloi quand on veut être démago. Ce qui n'est pas du tout le genre de Nicolas Sarkozy, oh non, pensez-vous...

En écoutant le discours du gouvernement, de Sarkozy, et de certains éditorialistes on peut se demander ce qu'ils veulent. Que des plumitifs aux ordres existent, ce n'est malheureusement pas une nouveauté, même si cela ne laisse pas d'étonner. Le gouvernement est dans son rôle, à savoir, essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes à la majorité de la population. C'est d'autant plus facile en ce qui concerne la recherche ou l'université que ces milieux sont mal connus et donc faciliement sujets à caricature.

Je ne vais pas entrer dans le détail des réformes. Il y a suffisamment d'articles, d'infos, notamment ici pour satisfaire les curieux. À ceux qui se plaindraient d'une éventuelle partialité, ils n'ont qu'à lire les articles du point, les éditos de Franz-Olivier Giesbert ou de Sylvie Pierre-Brossolette pour avoir l'autre point de vue. Je prétends à l'objectivité quand je suis à la paillasse ou que j'écris un papier, pas quand je parle politique. Et dans ce billet (et sûrement d'autres à venir, je parle politique, donc...).

Bon, en dernière analyse, les impressions qui se dégagent de ces réformes sont que :

1 - la droite veut détruire l'indépendance de la recherche, surtout des sciences humaines, ces repèrent de gauchistes qui produisent des outils utiles pour comprendre les mécanismes de domination qui existent dans nos sociétés. D'où un pouvoir accru aux présidents des universités et, je suppose, un contrôle accru sur les directeurs du CNRS, de l'INSERM, de l'INRA...

2 - la recherche fondamentale ne sert à rien : elle ne rapporte pas d'argent à court terme, il faut donc la remplacer par une recherche appliquée plus rentable (en théorie). D'où les crédits d'impôts aux entreprises finançant la recherche. Problème, aucun système de contrôle n'est mis en place pour s'assurer que les entreprises bénéficiaires participent effectivement à l'effort de recherche. Cette mesure, présentée par le gouvernement comme une aide au financement de la recherche n'est en fait qu'un cadeau déguisé de plus aux entreprises. C'est le MEDEF qui se frotte les mains. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est une diplomée d'HEC qui n'a jamais dû mettre les pieds dans un labo autre que d'analyse médicale.

3 - la droite en a marre de ces chercheurs financés sur des projets qu'elle ne peut pas comprendre (la droite ne comprend que les projets scientifiques ayant trait à la sécurité, au contrôle des populations, au militaire) et veut donc être plus dirigiste sur les recherches effectuées. D'où la création de l'ANR, qui finance 70% de projets entrant dans un cadre défini au préalable (par qui ?) et seulement 30% de projets "blancs" (à l'inverse de la DFG allemande, par exemple).

Alors, on a beau jeu, à Matignon, à l'Élysée et ailleurs de dire que les universités françaises sont mal classées. Le problème c'est qu'il faut savoir de quel classement l'on parle. La France a des spécificités : les grandes écoles et les grands organismes de recherche. Ce qui fait que si le classement est effectué sur le taux de jeunes diplômés ayant trouvé un emploi six mois après être sortis de l'universités, par exemple, les "Grandes écoles" seront favorisées en France, alors que dans les autres pays, les universités sont favorisées par rapport aux écoles d'ingénieur, qui ne sont que le second choix. De même, la double appartenance des chercheurs en France (une université et un organisme de recherche) fait que, souvent, l'organisme apparaît comme la première affiliation dans les publications, aux dépends de l'université. Ce n'est pas le cas ailleurs. Donc si le classement est effectué sur les publications produites par les universités, les universités françaises seront automatiquement défavorisées.
Ces deux exemples ne signifient pas que les universités françaises sont mauvaises, simplement que les classement internationaux ne sont pas adaptés à la réalité française. Au-delà du fait que la pertinence de ces classements est discutable, le fait qu'ils soient utilisés par la droite régimaire pour justifier la destruction du système de recherche français (sous prétexte de le réformer) est proprement scandaleux et en dit long sur ce que ce gouvernement est prêt à faire pour arriver à ses fins.

Maintenant, la question est, pour les chercheurs, que faire ? Le gouvernement n'a pas bougé à part sur de fausses concessions dont tout le monde sait qu'elles ne sont même pas symboliques. La pression s'accroît sur les enseignant-chercheurs d'un point de vue financier et légal. Les vacances universitaires approchent et l'autre question qui se pose est la suivante : que va-t-il se passer pendant, et après, l'été à venir ? Comment va rebondir la contestation ?

Une chose est sûre : je n'ai pas fait cinq ans d'études et pas mal d'années de thèse pour me faire cracher à la gueule par un président qui érige la vulgarité et l'inculture en méthode de gouvernement. Si il considère que je suis un parasite, il peut aller se faire foutre, je ne vais pas rentrer en France pour engraisser par mes impôts un type qui considère que l'intelligence se trouve au niveau du portefeuille.