22 décembre, 2010

De la rigueur scientifique, des comités de lecture et des hypothèses farfelues

Je parcoure régulièrement les blogs de sciences anglophones ou francophones. Certains comme celui d'Enro sont intéressant à plus d'un titre. Enro est un ingénieur agronome qui se pique de sociologie des sciences (en fait, il a fait un Master de sociologie des sciences). Je trouve toujours les sociologues des sciences intéressants ; quand je les lis ou les écoute, il me vient l'image d'un cheminot à qui un pékin moyen expliquerait comment faire marcher la loco : j'écoute poliment mais je n'en pense pas moins.

Parmi certaines questions qu'Enro pose, il y a celle de la diversité en sciences, de la « liberté d'opinion » de certains scientifiques qui seraient bafoués par leurs pairs. On ne peut que souhaiter qu'il y ait une certaine diversité en sciences, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nombre de chercheurs se sont battus pour empêcher la destruction programmée du CNRS. Mais même une recherche diverse doit reposer sur des bases solides : les hypothèses formulées doivent être en cohérence avec les faits observés. Ces hypothèses doivent être réalistes dans leur contexte. Or, pour illustrer ce plaidoyer, Enro prend l'exemple d'une revue, "Medical Hypotheses", qui s'est faite taper sur les doigts par son éditeur suite à la publication d'un article de Peter Duesberg niant que l'épidémie de SIDA en Afrique soit due au VIH. Apparemment, cet article n'a pas été relu par les pairs, comme c'est normalement le cas pour des articles scientifiques. Cela signifie que les statistiques utilisées dans l'article n'ont pas été validées, ni la méthodologie. Le résumé de cet article ressemble d'ailleurs plutôt à un éditorial ou à l'introduction d'un pamphlet qu'à un résumé d'article scientifique. L'argument d'Enro est que lorsque Einstein a publié sa théorie de la relativité, il ne l'aurait pas fait dans un journal à comité de lecture. Et alors ? Comment la communauté scientifique évaluait-elle la qualité des travaux qui lui étaient soumis ? Rien ne garantit que le système d'alors était le même que le système actuel. Faire une telle comparaison n'a aucun sens.

Mais il y a un problème plus grave, ici : celui de l'exemple qui a été choisit par Enro. Parce que sérieusement, remettre en cause des faits établis, à savoir que le SIDA est causé par le VIH, c'est remettre en cause l'utilité des antirétroviraux dans le traitement du syndrome. Or, d'une part ces traitements ont montré une diminution de la charge virale chez les patients, ainsi qu'une amélioration de leurs symptômes. Ce sont des faits largement reconnus et observés, par les médecins comme par les patients. Et soutenir des inepties pareilles, est grave. Car ici, on ne parle pas de la théorie des cordes ou autres... Ce qui est en jeu, c'est la vie des malades. Déjà que Montagnier se colle avec l'industrie de la "médecine intégrative" : pour suggérer que des aliments variés et des anti-oxydants ou autres permettent de guérir de l'infection. Comme la vidéo suivante le suggère :





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Les leçons de Wikileaks

Au-delà des révélations orchestrées par Wikileaks et diffusées, c'est important de l'écrire, par différents journaux, on peut voir un phénomène nouveau et inquiétant se faire jour : des compagnies privées qui s'érigent en juges de ce qui peut être écrit ou diffusé sur le net. En effet, comment interpréter autrement les décisions de Paypal, Visa, Mastercard et Bank Of America à l'encontre de Wikileaks ?

Les États européens - notamment la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne - ont depuis longtemps, sous des prétextes divers (pédophilie, terrorisme, protection des droits d'auteurs), le phantasme de contrôle de l'Internet. Mais là, les entreprises sus-citées ont devancé leurs rêves les plus fous. Parce que Wikileaks n'est poursuivi nulle part pour le moment. Ces boîtes donc, devancent une décision de justice dont on ne sait même pas si elle viendra. De ce simple fait, elles dénient à Wikileaks, et partant à ceux qui voudraient lire ce que Wikileaks publie ou aux nombreux blogueurs de toute sorte leur liberté d'opinion et d'action. Et les implications en sont bien sûr immenses : car on ne peut laisser à des entreprises privées le droit de déterminer ce qui est publiable ou non. C'est le boulot des juges. Et c'est un travail qui doit s'exercer en toute transparence, loin de l'opacité organisée des contrats commerciaux et selon des règles bien définies.

Ce que l'on observe, ici, ce sont les prémisses de ce qu'ACTA nous réserve. Et ce n'est pas réjouissant.

 

Pendant que l'on crie haro sur Wikileaks, rien n'est dit sur l'attitude de ces compagnies. Ce qui n'est bien sûr pas surprenant quand on voit ce que les députés de l'UMP (qui décidemment ne valent pas mieux que celui qu'ils servent) ont pu voter. Mais voilà, comme Chomsky l'a bien souvent dénoncé, une fois de plus on observe un double standard dans l'information et les mesures prises pour limiter ou protéger celle-ci.

16 novembre, 2010

Wikileaks, ou comment Besson se ridiculise, une fois de plus

Wikileaks a une fois de plus fait des révélations "embarassantes" pour les États-Unis et leurs alliés. Ou plutôt, ils jouent l'embarassement. Parce que sérieusement, que les diplomates se passent de langage diplomatique une fois qu'ils sont entre eux, il ne faut pas être grand clerc pour s'en douter. Dire à sa hiérarchie que Sarkozy est autoritaire, ce n'est rien que faire son travail. A contrario, que le même Sarkozy ait prévenu les américians 16 mois avant ses concitoyens qu'il serait candidat pour la présidentielle de 2007 montre à quel point le président français considère ses concitoyens. Pour tous ceux qui ont été spoliés par les lois de son gouvernement (retraites, HADOPI, immigration), ce n'est pas une surprise. Pour les autres, en revanche...

 

L'une des langues les plus lestes du gouvernement est Éric Besson. Et ce ne sont pas de ses qualités de rétheur dont je parle. Il y a un an déjà, il avait abondamment léché le fondement du fiston Sarkozy, prétendant que celui-ci, sans diplômes d'aucune sorte, avait les qualifications requises. Cette fois, il refait le coup, mais envers les américains. C'est ici. Mais laissons le parler :

«Cette situation n’est pas acceptable. La France ne peut héberger des sites internet qui violent ainsi le secret des relations diplomatiques et mettent en danger des personnes protégées par le secret diplomatique. […] On ne peut héberger des sites internet qualifiés de criminels et rejetés par d’autres Etats en raison d’atteintes qu’ils portent à leurs droits fondamentaux.»

Or, si la première partie pourrait se comprendre, la deuxième est un peu plus compliquée. À ce que je sache, Wikileaks n'a pas été condamné aux États-Unis, sans aucun doute, le gouvernement américain cherche un moyen légal d'empêcher Wikileaks de diffuser les infos qu'ils reçoivent. Mais en attendant, que Hillary Clinton qualifie Wikileaks de criminel n'en fait pas un site criminel, ni aux États-Unis, ni en France. Car indépendamment du cas de Julian Assange, poursuivit pour une affaire (un viol) qui n'a rien à voir avec Wikileaks, la parole d'un membre d'un gouvernement n'a force de loi. À moins que la France ai changé à ce point, et dans ce cas, je ne suis pas prêt de rentrer : si je veux vivre dans une république bananière, autant aller aux Caraïbes ; au moins, là-bas, il fait beau.

Le dernier mot revient à Octave Klaba, le fondateur d'OVH, le serveur français qui hébergerait Wikileaks :

«ce n’est pas au monde politique ni à OVH de demander ou décider la fermeture, ou pas, d’un site, mais à la justice»

Une leçon de droit bien administrée, je dirais.

 

Les Bogdanov et les médias

Récemment les deux jumeuax interstellaires ont défrayé la chronique. Une fois de plus, et j'apprends, par Marianne2 et le blog de Sylvestre Huet, que ce sont des affabulateurs de première. Bon, pour être franc, je m'en doutais un peu. Mais ce qui m'épate le plus, ce sont les médias qui leur serve la soupe. Comme Anne-Catherine Renaud du matin.ch qui ne pipe mot devant les délires des deux frangins. Elle fait mieux que leur passer les plats : elle les cuit pour eux. Des médias français, je n'attends plus grand-chose, spécialement quand les deux interviewés appartiennent à la cour de la Sarkozie. Mais des médias Suisses... Enfin, les délires mystiques des uns font le bonheur financier des autres, je suppose.

Il faut noter, et c'est important, qu'aucune des lignes de défense des frères Bogdanov ne repose sur quoi que ce soit de scientifique. En fait, de leur point de vue, ce n'est que de la communication, pas de la recherche de la vérité. Quand je vois qu'au Royaume-Uni, la vulgarisation est assurée par de vrais scientifiques comme Dawkins, Attenborough et d'autres, j'ai un peu honte de ce que peut offrir le PAF en comparaison.

20 juillet, 2010

Une réponse à GFP.

GFP, merci de ce commentaire, le premier sur ce blog par ailleurs confidentiel. Qui plus est sur un billet posté hier, par quelqu'un qui s'est inscrit sur blogger en juillet 2010. Que de nouveautés en une journée. Enfin, je fait un billet normal car ma réponse fait plus de 4096 caractères : elle ne tient pas dans la section commentaires.


Pour répondre aux remarques qui sont faites, certes, un promoteur donné va gouverner l'expression du transgène. Toutefois, le promoteur et les facteurs de transcriptions qui lui sont associés ne sont pas les seuls déterminants de cette expression. En laboratoire, il peut arriver qu'un transgène ne s'exprime alors que tout l'appareillage nécessaire à son expression est présent : la structure de la chromatine peut jouer un rôle, et donc l'endroit où le transgène est inséré dans le chromosome, par exemple. Au niveau d'une toxicité éventuelle du transgène pour la plante, je voulais effectivement parler de "fitness cost", ce qui revient, si l'on se place, comme je le faisais, dans l'hypothèse d'une dissémination de la plante transgénique dans l'environnement à une toxicité : la plante en question ne pourra être compétitive par rapport aux variants sauvages que si la pression de sélection est présente. Ce qui, encore une fois dans l'hypothèse où cette plante est disséminée limitera le risque d'envahissement que certains craignent.

Concernant l'accumulation de substances "plus ou moins" toxiques, il était bien entendu que cela dépend des substances utilisées. Le problème se pose au cas par cas, donc, et non en général. Mais il impose que les OGM mis sur le marché, et surtout les produits qui vont avec, dans le cas d'une résistance à un herbicide soient testés pour leur impact sur l'alimentation et la santé humaine et animale. Concernant le glyphosate, il semblerait que le produit ne soit pas aussi inoffensif que vous le laissez entendre. D'ailleurs, cela me fait penser que les anti-OGMs ont aussi raison de pointer le risque d'abus dans le cas plantes résistantes à certains herbicides : on pourrait avoir tendance à augmenter les doses de ces herbicides pour s'assurer que seule la plante d'intérêt pousse. Un comportement qui, comme dans le cas de l'utilisation massive d'engrais, pourrait avoir des effets délétères sur l'environnement. Effectivement, les "alternatives" ne sont pas forcément réjouissantes non plus. Ce qui d'ailleurs pointe la difficulté du problème.

La brevetabilité, enfin. Il est bien entendu qu'il n'est même pas nécessaire d'insérer un transgène pour breveter une espèce donnée. Les paysans des pays du tiers-monde ont d'ailleurs pu l'apprendre à leurs dépends. Que les paysans soient obligés de racheter les semences tous les ans n'est pas une surprise : si ce n'était pas le cas, il n'y aurait pas de semenciers. Mais, personnellement, je ne vois pas cela d'un bon oeil. La brevetabilité du vivant, transgénique ou pas, n'est pas souhaitable : elle freine la recherche (c'est le cas du brevet sur BRCA1 détenu par Millenium Pharmaceuticals aux États-Unis, brevet qui est actuellement contesté par des médecins et des associations de malades du fait des surcouts qu'il engendre pour un diagnostic ou pour la recherche) et elle prive l'humanité de quelque chose qui devrait faire partie du bien commun.

Enfin, je suis d'accord : une opposition "aux OGMs" en général n'a pas de sens. Les différents transgènes doivent être traités au cas par cas, mais, selon moi, des procédures doivent être mises en place pour que le risque éventuel soit ramené dans des proportions raisonnables.

Concernant le dernier paragraphe, le choix d'une culture, et d'une façon de cultiver dépasse le simple choix économique : il y a un facteur environnemental à prendre en compte. Toutefois, loin des imprécations des uns et des autres, une politique raisonnée, basée sur les données scientifiques disponibles devrait être possible, à mon avis. Bien entendu, cela suppose d'une part un abandon d'une posture millénariste qui prédit l'apocalypse à la moindre avancée scientifique, et d'autre part cela suppose aussi l'abandon de la communication (au sens de propagande) qui voudrait nous faire croire que les OGMs sont la panacée. Pour les semenciers, certainement, mais comme je n'ai pas d'actions, ni chez Novartis, ni chez BASF, ni chez Monsanto et encore moins chez Limagrain ou Merystem therapeutics, on me pardennera de ne pas trouver cette perspective intéressante.

Cependant, je dirais que, au final, si 78 % de la population refuse de consommer des OGMs, ce choix n'a pas à lui être imposé. Même si ce refus est basé sur de mauvaises raisons. Je détesterais l'abandon de l'étiquetage, comme aux États-Unis, par exemple. Personnellement, consommer de la lécithine issue de soja transgénique ne me gène pas, mais j'estime que c'est un droit du consommateur que d'être informé sur ce qu'il achète. Et de pouvoir exercer un choix en connaissance de cause.

19 juillet, 2010

OGM : une position qui pour une fois n'est pas bêtement manichéenne (c'est normal, c'est la mienne).

Le débat sur les OGM est un débat intéressant parce qu'il est révélateur des fantasmes des uns et des autres. Certains voient dans les OGM la solution à tous les problèmes dans le monde, quand d'autres y voient l'instrument de l'apocalypse. Autant être clair : aucune de ces deux positions ne vaut quelque chose. La première, teintée d'un optimisme béat oublie deux choses : la plupart des OGM sont produits par des compagnies dont l'objectif n'est pas de nourrir la planète. Elles s'en foutent, j'ajouterais même qu'en examinant attentivement les parts que ces compagnies ont dans d'autres compagnies etc... on trouvera assez facilement que non seulement les Novartis et consorts se foutent comme d'une guigne de la famine dans les pays pauvres, mais qu'en plus ils font du fric avec. Alors, l'argument bisounoursien comme quoi Monsanto et al. sont là pour sauver l'Afrique de la famine est risible. Le second est scientifique : l'approche des OGM est une approche réductionniste à l'extrême. Elle pose qu'un gène suffit à modifier totalement le métabolisme d'un plante, elle méconnaît les ajustements que ladite plante peu effectuer sur son métabolisme. Comme, par exemple, de cesser d'exprimer ce gène. Or, j'ai lu quelque part que lorsqu'on arrêtait la pression de sélection (antibiotique, stress hydrique, que sais-je), certains transgènes cessaient de s'exprimer, et que cette expression n'était pas restaurée par le retour de cette pression de sélection. Par ailleurs, le transgène peut ne conférer un avantage sélectif à la plante que si cette pression de sélection est présente. Par contre, il est tout-à-fait possible que, sans pression de sélection, la plante transgénique perde un avantage sélectif. En d'autres termes, que le transgène soit toxique pour la plante. Une dissémination à grande échelle de plantes transgéniques dans l'environnement est donc peu probable. Certains pourront argumenter que la transmission horizontale d'un gène donné d'une plante vers une bactérie est possible. Et certes, ça l'est. Mais possible n'est pas probable, et la somme d'improbabilités est telle qu'en définitive, le risque est minime.

La nécessité du maintient de la pression de sélection pour obtenir une expression du transgène pose toutefois un problème que les rares anti-OGMs qui connaissent un peu le sujet ont raison de pointer : l'accumulation de substances plus ou moins toxiques dans la plante (je pense au Round Up par exemple) qui font qu'il y a accumulation de ces substances dans la pyramide alimentaire, qui, dans le monde d'aujourd'hui, est dominée par l'espèce humaine. On m'objectera que les produits sont souvent transformés, ce qui est vrai si l'on pense à la lécithine de soja par exemple. En revanche, si les plantes transgéniques ont servi à l'alimentation du bétail, ces substances s'accumulent dans la viande. Et là, cela peut poser un vrai problème de sanitaire, avec dans le pire des cas, une toxicité chronique qui se fera jour. L'agriculture moderne n'est pas étrangère à l'empoisonnement humain. Il n'est qu'à voir les dégâts qu'ont pu causer les phyto-oestrogènes autour de montpellier. Pour autant, il n'y a aucune raison de crier à l'apocalypse. Et surtout, les arguments employés par certains opposants aux OGM sont tellement ridicules que l'on se demande où s'arrête l'inquiétude légitime et où commence la manipulation.

Du côté des anti-OGMs, en effet, on observe souvent une peur panique qui n'est, la plupart du temps, gouvernée que par une seule chose : l'ignorance. Que dire en effet de ceux qui croient dur comme fer que manger des OGMs va les rendre résistants aux antibiotiques ? Que dire de ceux qui croient que les enzymes utilisées pour le clonage et qui sont retrouvées dans les sols sont là du fait des OGMs ? On peut expliquer que :
1- en général, l'être humain est résistant aux antibiotiques utilisés en clinique. C'est même pour cela qu'ils sont choisis : on essaye en général de maximiser l'index thérapeutique des drogues utilisées en clinique humaine. Le problème de la résistance se poserait aux niveaux des bactéries pathogènes, donc. Mais, là encore, c'est tellement peu probable que c'en est quasiment impossible : l'ADN qui code pour les enzymes qui inactivent les antibiotiques est, au même titre que l'ADN de la plante, digéré, tout comme les enzymes elles-mêmes le sont, à l'instar des protéines de la plante. En admettant que la quantité ingurgitée est telle que les enzymes comme les ß-lactamases pourraient en elles-mêmes avoir un effet, il faut considérer l'environnement dans lequel elles vont se retrouver, qui est extrêmement hostile à leur fonction. Un transfert horizontal du cistron à des bactéries intestinales ? Si le plasmide porteur du gène n'est pas un plasmide F ou F', je doute que cela ait lieu, et en tout les cas, je doute qu'il s'effectue dans sa totalité, ce qui rendra la protéine inopérante dans l'immense majorité des cas.
2- les enzymes utilisées pour le clonage sont issues de bactéries dont un nombre substantiel sont des bactéries du sol. Il est donc tout-à-fait normal de retrouver ces enzymes dans les sols. "Oui, mais les autres ?" Me dira-t-on. Eh bien, une protéine, à part si c'est un prion, et dans ce cas uniquement dans des conditions précises, n'a pas la capacité de se reproduire toute seule. Et d'autre part les méthodes utilisées dans le clonage aboutissent à une solution d'ADN (un plasmide) dépourvue de protéines. Ceux qui croient à cela croient à des chimères, donc.

Mais la plupart me répondront sans doute que ce sont là des arguments de défenseur des OGMs bas du front. Non. Ce sont des arguments basés sur mes connaissances de biologie moléculaire, et sur la raison, aussi. Il y a de très bons arguments pour s'opposer aux OGMs : le problème de la brevetabilité du vivant, le problème de l'usage massif de produits chimiques pour maintenir la pression de sélection dont je parlais plus haut, par exemple, le problème de la transformation des paysans en salariés de fait des semencier, mais sans avoir les avantages que pourraient conférer un statut de salarié. Je ne pense pas qu'il soit besoin, en outre, d'ajouter des arguments qui ne reposent sur rien. Surtout si ces arguments n'existent que parce que ceux qui les utilisent ne savent pas à quel point ils sont ridicules. Au passage, ces arguments, tout comme l'attitude qui consiste à balancer tout chercheur qui avance une opinion informée et surtout non manichéenne, ont plutôt pour résultat que le mouvement anti-OGM, ou au moins certaines composantes de ce mouvement, s'aliènent le soutien de chercheurs qui autrement lui seraient favorables. Et c'est dommage, il faut avouer.




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27 avril, 2010

De la charité.

Il y a quelques temps, il m'est venu une réflexion sur la charité pendant que je faisait mes manips. J'entends souvent, ou j'ai souvent entendu certains refuser de donner de l'argent aux SDF, leur proposant au contraire de leur acheter un sandwich. Ils, ou elles, justifient cette attitude par le refus de favoriser un prétendu "alcoolisme" des SDF.

Mais de quel droit ?

Est-ce que le fait d'être SDF induirait automatiquement une irresponsabilité quelconque ? Irresponsabilité que je prends ici au sens juridique du terme : est-ce que le fait d'être SDF induirait une incapacité à prendre des décisions pour soi-même ? Bien sûr, un bon nombre de SDF le deviennent du fait d'une maladie mentale particulière. D'autres sont simplement victimes du système économique. Certains auraient même choisi de vivre ainsi. Si le premier  exemple jette une lumière crue sur la façon dont nos sociétés soi-disant civilisées traitent la maladie mentale, les deux suivants n'appartiennent pas à cette catégorie. Et comment poser un diagnostic tel que celui-ci en deux minutes ? Surtout que la majorité des badauds n'est pas, loin de là, psychiatre.

L'attitude que je décris plus haut est symptomatique de la charité chrétienne : on veut bien aider ceux qui sont dans le besoin, mais on s'autorise un jugement moral, et surtout on se sent supérieur. Il est aussi typique d'un manque d'imagination : celui ou celle qui est en position de "faire la charité" n'imagine pas un instant que, les circonstances de la vie étant ce qu'elles sont, les positions soient un jour inversées.
Pour moi, face à quelqu'un qui fait la manche, le choix est simple : donner, ou pas. Mais en tout état de cause, je me refuse un jugement et surtout, je refuse l'attitude paternaliste qui consiste à refuser au mendiant de faire ce qu'il veut avec ce que je lui donne. C'est lui enlever la dernière chose qu'il lui reste : sa dignité. C'est lui faire une insulte presque mortelle. C'est pire, à mon avis, de soumettre son don à une condition que de refuser de donner. Accepter ou refuser de donner est bénin, en définitive : le don ne sera jamais tel que la vie du mendiant en sera à jamais bouleversée. Par contre, soumettre le don à ce chantage moraliste crée un dommage bien plus terrible à l'amour propre du SDF. Une blessure qui peut à terme, la répétition de l'ignominie aidant, priver le SDF de la confiance en soi nécessaire pour rebondir.
Et je ne parle pas de l'absurdité médicale, de l'ignorance crasse de ceux qui refusent de donner un euro ou deux mais préfèrent aller acheter un sandwich au prétexte de "lutter contre l'alcoolisme". Si le SDF en question est déjà alcoolique, ce n'est pas cette attitude moraliste qui va l'en sortir : on ne sèvre pas une dépendance avec un sandwich, que je sache !




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16 avril, 2010

L'affaire Zemmour

Il y a quelques semaines, le Landerneau médiatique s'est excité par ce que l'on peut appeler "L'affaire Zemmour". Cette affaire est intéressante pour ce qu'elle révèle du mode de pensée médiatique. En fait, il y a deux affaires distinctes : Zemmour, sur France Ô a fait l'éloge de la discrimination à l'embauche. Sur Canal+, il affirme que les français d'origine maghrébine ou noire sont plus contrôlés parce qu'ils trafiqueraient plus. "C'est un fait" dit-il. Pour la seconde affaire, un procureur lui apporte même son "soutien". Disons plutôt qu'il confirme, par le biais de ce qu'il peut observer dans les tribunaux, les dires de Zemmour sur le nombre de petits trafiquants noirs et arabes. Ceci dit, et c'est important, il précise que les gros trafiquants ne sont, eux, quasiment jamais noirs ou arabes. C'est intéressant en ce que cela révèle : comme partout ailleurs dans la société, les gens d'origine immigrée sont des citoyens de seconde zone, des petites mains, y compris lorsqu'il s'agit d'être hors la loi. Plus sérieusement, si Zemmour n'avait pas été un raciste honteux, il aurait amendé son propos pour bien faire comprendre qu'il y a certaines conditions qui font qu'on devient un petit dealer de shit. Mais Zemmour est raciste : il le dit lui-même. D'accord avec Finkielkraut, il considère l'anti-racisme comme le nouveau stalinisme.
Son racisme se voit d'ailleurs bien plus dans sa défense des discriminations de toutes sortes que dans cette affirmation comme quoi la plupart des trafiquants seraient noirs ou arabes. Dans la première, Zemmour justifie une sorte d'apartheid à la française, dans la seconde, il ne prend qu'un raccourci intellectuel qu'un enfant de trois ans serait capable de démonter. Parce qu'entend-il exactement, par trafiquants, Zemmour ? Des grossistes, ou le petit dealer de cité qui fait ça pour arrondir les fins de mois ? À mon avis, le flou qu'il entretient est volontaire. Encore une fois, ce sont les mêmes méthodes que celles du FN, flatter une populace qui ne réfléchit pas, ou pire, qui refuse de réfléchir.

Ce qui m'étonne, moi, c'est que le scandale à l'air de se jouer uniquement sur cette histoire de trafiquants. Bizarrement, personne, à part le CRAN, ne le reprend sur son éloge de la discrimination. Et de me poser une question : serait-ce par ce que l'on ne voudrait pas, en tant que société, regarder de trop près ce qu'il se passe derrière les portes des agences de recrutement ou des DRH ? Parce que le vrai scandale dans les propos de Zemmour, c'est là qu'il réside. Et pas mal de crier à l'atteinte à la liberté d'expression de Zemmour, mais rien, là encore ses propos sur la discrimination.

P.S: Je n'ai pas de liens. La flemme. Et puis, vu le bruit fait autour de cette affaire, chacun aura pu trouver des documents qui la relatent.




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21 février, 2010

BHL ou l'éthique à géométrie variable.

Il s'est récemment ridiculisé, avec cette affaire de Botul. Bien évidemment, en pape de la médiocrité, il n'a pas pu s'empêcher de proférer l'équivalent adulte (je n'ose dire philosophique en ce qui le concerne) d'un argument de cour d'école : en gros, lui l'immense BHL ne le savait pas, que Botul était un personnage fictif, une farce. Mais il ne serait pas le seul, Aude Lancelin aussi. Celle-ci lui répond d'une manière assez singlante, je dirais. Le garçon aggrave son cas : il est démasqué, et cela ne lui plaît pas. Là où je trouve que cela est comique c'est qu'il ne se prive jamais d'insulter, d'insinuer les pires saloperies chez ceux qui ne sont pas d'accord avec lui. Là, il  est prit la main dans le pot de confiture, et il est tout surpris qu'un journal, au moins, refuse de regarder ailleurs. Pauvre petit.

En ce moment, je lis "Les éditocrates..." de Chollet et al. Le passage concernant BHL est savoureux, je trouve. Il y a chez ce personnage, exactement tout ce que Paul Nizan dénonçait dans "Les chiens de garde". Avec en plus une propension à dire n'importe quoi qui frise des hauteurs Himalayesques. Bien sûr, rien que je ne sache déjà dans ce bouquin, mais il a l'avantage d'offrir un condensé des turpitudes BHLesques. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce garçon ne s'embarrasse en général pas de la réalité. Ni de cohérence, d'ailleurs. Que les russes tuent des civils en Tchetchénie ou en Géogie est un scandale pour BHL, et on est bien d'accord : toute armée qui tue des civils (et donc toute armée, en fait) est criminelle. Mais, pour BHL, il existe une exception : les forces de défenses israéliennes, qui elles, peuvent balancer des mines sur tout le Sud du Liban, raser Gaza impunément. Pour BHL, les militaires israéliens sont, pour une raison que j'ai du mal à saisir, exempts de toute tâche. En fait, la morale ne s'implique tout simplement pas à eux. Bien sûr il ne peut le présenter de cette façon : la manipulation serait trop voyante. Encore que, avec BHL, plus c'est gros, plus sa passe. Or, donc, quand les artilleurs israéliens tirent sur le Sud-Liban, c'est avec le souci d'éviter les civils. Quand on sait que certains des obus tirés contenaient des mines anti-personnel, on ne peut que rigoler. Toutes les statistiques le montrent : les mines anti-personnel mutilent ou tuent beaucoup plus de civils que de militaires. Où, dans ce cas, est le souci d'éviter les civils ? Quand une ville est rasée, quand des écoles ou des centres de réfugiés du UNHCR sont bombardés sous prétexte qu'ils servent de cache au Hamas, les civils n'en ressentent pas les effets, peut-être ? Bien sûr, il est tout à fait possible, même probable, que le Hamas se soit servit de la population gazaouie comme "bouclier humain". Mais en aucun cas cela ne peut être une excuse : car enfin, pour quelques roquettes tirées, on ne détruit pas une ville, à moins d'être barbare. Et, si l'on sait que des civils seront utilisés comme otages de fait, on ne tire pas dans le tas, si l'on clame que l'on veut libérer les gazaouis du Hamas. À moins, bien sûr, que la vie d'un palestinien ne vaut, aux yeux d'un militaire israélien, rien ?

En se basant sur les faits, on voit que toutes les distorsions, toutes les tartufferies BHLiennes ont un point commun : justifier l'oppression. Ou plutôt, promouvoir un point de vue occidental, libéral (au sens français du terme : le renard libre dans le poulailler libre). Et tant pis si la réalité contredit l'agence de propagande qu'est devenue BHL. Tant pis si BHL, en se transformant en communiquant des généraux en Algérie aide à justifier la mise en place d'une dictature larvée, tant pis si ces publireportages en Israël justifient la destruction lente mais inéluctable de la culture palestinienne. En fait, BHL, qui accuse les manifestants anti-OTAN d'avril 2009 de meurtre par procuration, rien de moins (une accusation purement fantaisiste d'ailleurs) est lui,  directement complice des tortures qui ont eu lieu en Algérie de 1994 à 1999, il est complice du meurtre de masse de milliers de palestiniens ou des bombardements, de civils, soit disant des erreurs, par l'OTAN en Afghanistan.

Et un tel personnage oserait s'ériger en père la morale ?


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07 février, 2010

L'emballement

Bon, je vais y aller de mon billet aussi, tiens. Alors c'est marrant, tous ces gens qui s'emballent et qui viennent faire la leçon au NPA. J'ai tendance à trouver qu'il y a un peu deux poids, deux mesures. D'abord, comme le fait remarquer CSP (voir le lien qu'il fait vers Echirolles), il y a déjà eu des élues voilées en France. Qui plus est sur des listes de gauche. D'autre part, et cela m'interpelle encore plus, quand des types comme Longuet, Madelin (anciens d'Occident) ou Daniel Simonpieri (ancien du FN) font acte de candidature, il n'y a pas la moitié du raoût que l'on a observé ces jours derniers. Et on dira ce que l'on voudra, mais cette nana, pour voilée qu'elle soit, est moins dangereuse pour la "République Laïque" que ne l'ont été les trois tristes sires suscités lorsqu'ils étaient membres qui d'un groupuscule fasciste qui n'hésitait pas à user de violence qui d'un parti dont le chef est un antisémite notoire. Et je ne parle pas du président qui est le premier depuis x temps a accepter d'être Chanoine à Saint-Jean-de-Maurienne, qui prétend qu'au plan des valeurs morales le "prêtre sera toujours supérieur à l'instituteur". Là aussi, on n'a pas entendu la moitié du barouf fait par nos "élites".

Non, le vrai problème n'est pas que cette dame soit voilée. C'est son problème, à elle de résoudre la quadrature du cercle qui revient à revendiquer une religion et à militer dans une organisation dont pas mal d'adhérents (pas tous, le NPA n'est pas la LCR, enfin je crois) considèrent les religions comme un moyen d'endormir les travailleurs (un opium du peuple). Ce n'est même pas que le NPA l'est choisie. Là encore, à eux de définir leur stratégie pour s'imposer dans les couches populaires. D'ailleurs, cela ne relève peut-être même pas d'une stratégie quelconque. Je ne sais pas comment sont investis les candidats du NPA, mais je n'ai pas de mal à imaginer que le processus soit plus démocratique qu'à l'UMP ou au P"S". Peut-être, simplement, les militants du NPA de la région où elle se présente ont décidé qu'elle était une candidate valable et qu'ils l'ont donc approuvé à ce poste. Franchement, je n'en sais rien. Et je m'en contrefous, en plus. Non, ce qui est intéressant, c'est la façon  qu'ont eu tous les autres partis de littéralement sauter sur l'occasion pour casser du NPA. Il y en a, à droite comme à gauche, auxquels le NPA donne des sueurs froides, apparemment. Si cela peut rappeler au P"S" ce que la gauche veut dire, ce serait pas mal. Mais au vu de leurs délires, je me fais peu d'illusions.

Autre chose d'intéressant, c'est la constante dénonciation d'Olivier Besancenot comme l'instigateur de cette candidature. Pas mal de politiques et de journalistes (dans le second cas cela m'étonne moins) ne semblent pas avoir compris ce qu'est un porte-parole. Besancenot n'est pas sensé avoir ce pouvoir de désignation qu'on lui confère. Mais je suppose que le fait que le NPA ait accepté les règles du spectacle a joué un rôle là-dedans : en passant chez Drucker, il s'est jeté soi-même en pâture à la machine. Et il a autorisé les pisse-copies à analyser le NPA comme n'importe quel parti dans lequel les luttes internes pour la recherche du pouvoir ou de la popularité font office de programme.


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De l'Europe

J'ai quitté la France en Octobre 2002, soit il y a un peu plus de sept ans maintenant. Quand j'y retourne, je vais uniquement voir ma famille. Fini les escapades à Lyon et à Clermont-Ferrand où j'ai fait mes études. Les amis français que je retrouve sont des amis d'enfance. Je n'ai quasiment plus de connaissances ni à Lyon, ni à Clermont-Ferrand. Pourquoi je parle de ça ? Ce n'est pas un accès de nostalgie (encore que...). C'est simplement que je fais le constat que je me sens d'abord européen. Bien sûr, certains aspects de la France me manquent, mais d'autres non. Par exemple, et même si je ne me fais aucune illusion sur leur rôle dans la société, les policiers britanniques ont tendance à être, en général plus polis que leurs homologues français. Ils ont tendance à moins tabasser, aussi. Il faut dire qu'ici, si ils ont le malheur d'essayer, ils ont vraiment des embrouilles, pas comme en France où les syndicats de poulets se sont fait une spécialité de défendre l'indéfendable et où le pouvoir politique n'a d'autre désir que de salir la mémoire des victimes de bavures policières. Enfin, c'est un aspect de la France qui ne me manque pas, quoi.

Donc étant "expatrié" depuis pas mal de temps, j'en suis venu à repenser ma position sur l'Europe. Soyons clairs : l'Union Européenne, telle qu'elle se construit aujourd'hui n'est pas nécessairement ma tasse de thé. Je préférerais de loin une Europe sociale, à celle que la commission européenne et partant le conseil des ministres européens sont en train de construire. Je préférerais une Europe construite par et pour les citoyens européens. Une Europe dont le moteur ne serait pas uniquement l'intégration économique mais bien l'unification derrière des valeurs communes, à charge aux différents peuples européens de définir ce qu'ils entendent par ces valeurs. Une europe fédérale, mais dans laquelle l'opinion et l'intérêt des citoyens sont réellement prise en compte.

Or, on ne peut constater que ce n'est pas le cas : certaines lois qui avaient pour but de protéger les consommateurs européens ont été annulées par la commission européenne, ou cette commission a du moins essayé de les annuler, comme dans le cas de la libéralisation du commerce de médicament. D'autres vont introduire encore plus de confusion avec l'abandon du système métrique obligatoire sur les paquets de denrées[en], au nom du sacro-saint commerce avec les États-Unis, l'un des trois pays, avec le Libéria et la Malaysise qui n'ont pas adopté le système international (SI).

À mon humble avis, pour que cette opinion et cet intérêt soient réellement pris en compte, les structures décisionnelles européennes doivent être modifées. On voit déjà que celles des États membres n'ont de démocratiques que la façade quand, par exemple, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie (parmi d'autres) ont pris part à la guerre illégale contre l'Irak malgré les opinions publiques de ces pays, toutes quasi-unanimement opposées à cette guerre. Au niveau européen, c'est encore pire : jusqu'à très récemment, les députés européens, les seuls élus, étaient là pour la galerie. Seuls la commission et les différents conseils des ministres avaient un réel pouvoir (aucun commissaire européen n'est élu, et les ministres de certains pays, comme la France, ne le sont pas non plus). Or quelle est la légitimité de ces instances ? L'autre problème est le poids immodéré des lobbys, dont l'activité est considérée comme normale à Bruxelles et qui tend à devenir honorable en France, où une lobbyiste pour le contrôle du net s'est même vue décorée. Pour moi, seuls les organisations représentant des citoyens (ONG, syndicats...) devraient pouvoir faire du lobbying, et encore, de manière totalement transparente (ce qu'elles font en général : c'est dans leunr intérêt de faire connaître leurs positions aux citoyens), par contre les entreprises, les organisations patronales et les associations professionnelles, elles doivent être éliminées de ce processus. Leurs méthodes de lobbying ne sont absolument pas transparentes, s'apparentent souvent à de la corruption. Enfin, elles nient les intérêts des peuples au profits d'intérêts particuliers qui ont tout sauf pour objectif d'augmenter la démocratie.

Peut-être qu'il serait temps pour les citoyens européens de réfléchir à l'Europe qu'ils veulent, avant que l'on décide pour eux de la façon dont celle-ci sera faite.


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12 janvier, 2010

Daniel Bensaïd est mort, Jean-Marc Rouillan se meurt en prison.

Daniel Bensaïd est mort, c'est triste. D'autant plus qu'il restait l'un des derniers intellectuels à ne pas plier devant le pouvoir et les avantages qu'un ralliement au capitalisme lui aurait sûrement valu. Un penseur qui meurt donc, et c'est triste. Surtout qu'à part Alain Badiou, ceux qui restent, comme Finkielkraut, ont érigé la discussion de comptoir en discours philosophique...

Pendant ce temps, un autre homme croupit en prison alors qu'il est atteint d'une maladie orpheline qui va progressivement l'incapaciter. C'est Jean-Marc Rouillan. Après quelques mois de semi-liberté, il a été remis en prison suite à une phrase parue dans l'express. Certains lui reprochent son refus de se "repentir", ce que, et c'est vrai, sa phrase laissait entendre. Je le cite pour mémoire :
Je n'ai pas le droit de m'exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m'exprime pas est une réponse. Car il est évident que, si je crachais sur tout ce qu'on avait fait, je pourrais m'exprimer. Par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique
Donc, oui, Rouillan ne se repent pas d'avoir tuer René Audran et Georges Besses. Cette phrase lui a valu d'être réincarcéré car elle constituerait une apologie de la lutte armée. Là, par contre, désolé, mais je ne vois aucune apologie, simplement une absence de regrets. Ce prétexte est d'autant plus malhonnête que Rouillan a bien exprimé des regrets, mais ceux-ci concernaient l'erreur stratégique de choisir la lutte armée quand les temps ne s'y prétaient pas. En gros, l'erreur d'action directe a été de se fourvoyer dans l'avant-gardisme. Justifier, alors qu'il est malade, le maintient en détention de Rouillan ? C'est tout simplement criminel, comme il l'a été de maintenir en détention Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon et Georges Cipriani, que la prison a rendu fou.  Bien plus, cela jette une lumière crue sur le genre de justice qui existe en France : Papon (qui n'a d'ailleurs été jugé que pour ses crimes durant la seconde guerre mondiale, ceux qu'il a perpétré dans l'Oranais et à Paris de 1954 à 1962 n'ont jamais été poursuivis car ils sont amnistiés) n'a jamais exprimé le moindre regret d'avoir envoyé des centaines d'individus vers une mort quasi-certaine simplement sur la base de leur religion supposée. Or il a bénéficié d'une liberation pour raisons humanitaires très vite, lui. Nathalie Ménigon, au contraire, aura dû attendre d'être au seuil de la mort, paralysée de tout un côté du fait de plusieurs infractus avant que ses demandes soit enfin acceptées. Il est certain qu'elle demeurait encore dangereuse, à moitié paralysée. Et que dire de Georges Cipriani ? La plupart du temps, il ne doit même pas savoir qu'il est en prison. Quel est le "sens de la peine" infligée à quelqu'un dans cet état si ce n'est celui d'une vengeance barbare de l'Etat contre un de ceux qui ont osé le défier.

Maintenant, on me dira certainement que, oui, c'est bien beau tout ça, mais ils ont quand même tué Audran et Besses. Alors je vais être clair : les tuer étaient une connerie sur un plan politique, comme sur un plan humain. On ne peut vouloir une société meilleure en la bâtissant sur des cadavres, elle sera foncièrement bancale (même si le contexte joue, bien sûr : je ne trouve rien à redire à l'assassinat de Carrero-Blanco  par ETA ou aux tentatives d'assassinat de Franco par mes camarades des JJLL). Ceci dit, la bien-pensance petite bourgeoise voudrait limiter la politique à des discussions policées sur la meilleure façon de gérer le capitalisme, et partant d'exploiter les véritables créateurs de richesses : les travailleurs. Or, non, il y a bien luttes des classes. Il y a bien des ennemis. Pas des adversaires. Des ennemis. Et Audran et Besses en étaient, de ces ennemis. Alors, même si les tuer était une connerie, même si un révolutionnaire sérieux ne s'empêcher de penser qu'éliminer physiquement deux individus qui bien qu'adhérant au système n'en étaient que des rouages ne peut en aucun bénéficier à la cause ; je ne vais pas pleurer sur leur sort.


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09 janvier, 2010

La "pureté" idéologique

J'ai été, comme tout le monde je suppose, chez mes parents pour ce noël. C'est quelque chose que j'apprécie particulièrement, parce qu'en plus de mes parents, je revois mes amis d'enfance. C'est toujours intéressant de voir comment la vie a tourné pour chacun d'entre nous. La plupart sont casés, la plupart ont des gamins, il y en a même un qui est maire. Bref, à différent niveaux, nous avons tous évolué. Ceci dit, parmi tous mes potes, un est resté, ou plutôt est devenu un peu pénible sur les bords. Il a beau avoir trente cinq ans bientôt, il reste sur des positions politiques sans nuances comme regretter la disparition des épiceries au profit des grandes surfaces ; sans toutefois analyser les changements de la société qui ont favorisé cette mutation comme le travail des femmes, l'éloignement de plus en plus grand du lieu de travail et de l'habitat, les nouvelles formes de familles. Tous ces changements font que l'on a généralement moins de temps à consacrer aux achats. Alors oui, un certain lien a pu disparaître, oui, dans certains cas, la qualité des aliments s'en ressent (mais pas toujours à mon avis). Mais d'une part si l'épicier sympathique a pu exister, l'épicier poujadiste, nostalgique de la peine de mort et électeur du FN (ou de l'UMP de nos jours c'est la même chose) aussi. Se renfermer dans cette nostalgie type "c'était mieux avant" n'apporte rien. Quand j'ai fait remarquer à ce pote que ses positions étaient par trop caricaturales, il m'a sorti que mes gamins finiraient "à l'héro à cause d'internet". Sans mentir. Une réponse qui m'a laissé coi : en général devant des arguments qui insultent mon intelligence, je me tais. Pourquoi perdre du temps ? Et la moindre des ironies n'est pas qu'il utilise internet, aussi. Il lit même des blogs. Je sais que la contradiction fait partie de la vie, mais parfois, il est bon de s'arrêter et de réfléchir

Et il n'est pas le seul a se fourvoyer dans une "pureté" qui à certain moment, ne devient plus qu'un prétexte à l'inaction. Chez les anars, c'est hélas un phénomène fréquent, on appelle ces camarades des gardiens du temple. À Clermont-Ferrand je l'ai vécut au niveau du groupe, mais aussi au niveau de l'organisation toute entière. Je ne vais rentrer dans des détails insipides pour qui n'est pas au fait de ce que peut être une orga anar. Simplement, dans tous les cas, les querelles sont ridicules par rapport aux enjeux. Et pendant qu'un précieux temps est perdu qui pourrait être utilisé à élaborer des stratégies qui aient une chance d'être opérantes, le monde bouge. Et sans propositions à court terme, applicables dans le cadre et après une lutte relativement limitée, personne n'écoute. Trop souvent j'ai lu des articles du Monde Libertaire qui dénonçaient avec raison certaines injustices se terminer par "ce problème sera résolu après la révolution". C'est peu dire qu'une telle phrase signifie simplement que l'on n'a aucune proposition à faire. D'autres camarades s'illusionnaient sur le fait que les luttes permettaient à certaines formes d'organisation d'être expérimentées ou qu'ils avançaient les pratiques anarchistes dans les assemblées générales. Là encore, si cela a pu être vrai sur le moment, rien n'a permit de fixer ces pratiques dans la durée. Évidemment, un tel processus est lent, mais, bien plus, il ne peut être achevé par des luttes sporadiques. Il faut une structure qui permette de fixer ces fonctionnements, et il faut que cette structure soit en phase avec la perception qu'ont nos concitoyens de leur vie et avec leurs aspirations à plus ou moins long terme. Bien sûr, cela introduit un risque : on peut tout à fait imaginer une structure au fonctionnement libertaire mais dont le visées sont tout sauf libertaires : racistes, par exemple. C'est ce qui s'appelle se confronter à la réalité. S'il est vrai que les luttes augmentent la conscience politique des individus, un tel phénomène devrait, on l'espère, rester marginal.

D'autre part, même si un individu donné acquière une nouvelle perspective après une lutte ou un évènement particulier, une fois ceci terminé, les problèmes du quotidien, tout sauf triviaux, reprennent le dessus. Mépriser cela est une erreur. Je ne suis plus militant depuis plus de dix ans, après quelques années d'un militantisme intense et ma compagne n'est pas et ne sera jamais une militante politique, même si elle est profondément de gauche. Cela m'a permit d'avoir une nouvelle perspective. Trop souvent les militants qui ont la tête dans le guidon méprisent ceux de leurs camarades qui ne sont pas comme eux sur ce point, de plus ils ne peuvent comprendre que "le quotidien" si fade qu'il puisse être est un combat de tous les jours pour beaucoup d'entre nous.

À défaut de comprendre cela, les anars qui appellent une révolution de leurs vœux ont le même genre d'attitude que les religieux. C'est peu dire que l'on attend mieux de gens qui se prétendent rationnalistes.


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