07 août, 2009

Brève sociologie du militantisme anarchiste.

Je lis régulièrement CSP, c'est un blog que j'apprécie : clair, relativement bien écrit et assez jouissif. Surtout quand il attaque des petits faffons rancis dans la merde qui leur sert de cervelle. Certaines de ses analyses, comme celle sur le voile par exemple, sont parmi les plus pertinentes que j'ai lues jusqu'à présent. Mais... Son problème à CSP, c'est quand ses positions relaient celles de son parti. Sans préjuger de ces dernières, on observe alors un changement de style radical. On dirait qu'il se met à réciter un "catéchisme révolutionnaire". Ce qui m'amène à un problème plus large, celui du militantisme. Alors autant clarifier les choses : des militants, il en faut. Des individus qui se battent pour des causes, qui s'organisent pour faire passer leurs messages et, si possible, avoir une quelconque influence sur la marche du monde, c'est nécessaire. Le problème, c'est que les comportements moutonniers que l'on voit trop souvent parmi nos concitoyens se retrouvent aussi dans les structures militantes. Et je trouve cela assez déplaisant.

La plupart des organisations révolutionnaires sont soumises à cette quadrature du cercle : bien que leur objectif affiché soit l'émancipation des individus (individus au sens libertaire du terme, j'y reviendrai un jour), elles sont souvent remplies de gens dont le suivisme a un côté affligeant. Je l'ai vécu quand j'étais moi-même militant. J'ai assisté à la création de clans, à l'intérieur desquels l'homogénéité des positions ferait envie à l'UMP, à l'éviction  rampantes de personnes coupables de ne pas rentrer totalement dans le moule. À la "résolution" de conflits par le harcèlement, le dénigrement... En bref, les pratiques les plus puantes je les aies observées, voire vécues d'un côté comme de l'autre du manche. Pour quoi, au final ?

Rien. Que dalle.

La structure dont je parle est toujours là, mais j'ai l'impression qu'elle s'est vidée de sa substance, alors que plusieurs groupes dynamiques en ont rejoint d'autres. Déjà, à l'époque, "on" tentait de se convaincre que les idées anarchistes intéressaient de plus en plus de monde, que sous peu, il y aurait un grande organisation anarchiste de masse, un peu à l'image de la CNT espagnole. Était-ce vrai ? Je n'en sais rien. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il fallait pas mal de tripes pour s'accrocher à une orga dont le bulletin intérieur se résumait souvent à des empaillades stériles. Empaillades ridicules, qui plus est à l'aune des enjeux, des objectifs que c'était donnée l'organisation. Et ça, c'était au niveau fédéral. Au niveau des groupes locaux, ce n'était souvent pas très différent.
En fait, quand j'y pense, un schéma se fait jour qui aux variations près est le même : dans chaque groupe, il y avait (je parle au passé, je ne sais pas si c'est toujours le cas même si je ne me fais, hélas, pas d'illusions) un membre dominant, une grande gueule qui imposait sa volonté ou ses analyses par différentes techniques telles que le copinage, le chantage affectif, le discours à la Castro... En face, invariablement, des suivistes, intéressés par les idées, certes, mais qui ne prenaient pas de part active à la réflexion. Certains enjeux (par ailleurs ridicules) les dépassaient complètement, et qui dès qu'ils prenaient des initiatives s'en prenaient plein la gueule par ce qu'ils n'avaient pas fait les choses comme il fallait. De temps en temps, les dominants (ils sont souvent plusieurs, ils sont souvent en couple) partaient en vacances, laissant une niche libre pour un autre, ou des autres, dominant(s). Au retour s'ensuitvai une lutte larvée pour récupèrer ou conserver la place chèrement acquise sur le front des luttes. Les conflits qui se font jour ensuite ne sont pas solvables de manière saine ils ne sont pas ouverts. De fait, leur résolution implique qu'une des parties quitte le groupe. Et c'est là tout le problème : rien n'est changé sur le fond, la partie gagnante, celle qui reste, ne voit pas ses pratiques remises en causes. Dans bien des cas, le conflit de politique devient personnel, ce qui achève de plomber le truc. C'est peu dire que de tels conflits sont récurrents. Il est rare qu'un groupe survive plus de cinq ans. Et que deviennent, en plus, les anciens militants de ces groupes ? La plupart dégoûtés par le décalage entre le discours et les pratiques, abandonnent définitivement ce champ de l'action sociale et n'en retirent qu'une expérience amère.

Depuis sept ans maintenant j'ai quitté la France, mon métier ne me laisse pas le loisir de militer, et même si parfois cela me manque, j'avoue que je réfléchirais à deux fois avant de me relancer dans pareille aventure : il est hors de question pour moi de le refaire dans des conditions où l'autosuggestion est si forte que le déni de réalité devient une marque de ce militantisme. Où l'on voit plus le risque que le bénéfice, où, en définitive, certains refusent l'ouverture à l'extérieur par peur que leur petit monde privilégié, leur discours auto-centré soit remis en cause par la confrontation avec des camarades qui viennent d'autres horizons.


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02 août, 2009

Réductionnisme vs charlatanisme

Je ne suis pas philosophe, je suis un scientifique. Ceci dit, j'ai plusieurs fois été confronté à des philosophes qui voulaient m'apprendre mon métier. Le problème avec certains philosophes des sciences, c'est qu'ils ne sont pas scientifiques eux-mêmes. La plupart n'ont jamais mis les pieds dans un labo et ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, les limites techniques de notre travail. Ainsi, le domaine qui est le mien est souvent pointé du doigt pour son "réductionnisme" sa tendance à "saucissonner" les problèmes. Ce qui est remarquable, c'est que cette critique, qui m'a été faite au sujet de la biologie en général, l'a été en s'appuyant sur Bergson, qui apparemment ne la formulait qu'en ce qui concernait les sciences cognitives. Un autre point est qu'elle a été formulée avant la révolution de la biologie moléculaire, ce qui l'a rendue obsolète. En effet, les progrès dans les les méthodes d'analyses autorisent de plus l'exploration du métabolisme d'une cellule dans son ensemble. Ceci dit, la complexité d'organismes aussi "simples" que la levure d'une part, et la masse de données produites par les nouvelles technologies telles que les puces à ADN ou les études d'interaction à haut débit utilisant la spectrométrie de masse obligent à une certaine validation des observations, simplement pour distinguer un phénomène significatif du point de vue physiologique d'un simple bruit de fond. Et cela implique un retour à des méthodes que d'aucuns qualifieraient de "réductionnistes" : l'étude du comportement d'une protéine dans une ou plusieurs conditions définies. La différence fondamentale, c'est que les chercheurs ont à l'esprit le contexte environnant. D'ailleurs, je trouve un peux présomptueux de la part de certains philosophes de penser que les chercheurs n'ont jamais réfléchis à ce problème. Encore une fois, les limites techniques conditionnent les capacités d'interprétation. C'est une notion importante : pour retourner vers les neurosciences, la seule approche scientifique qui vale est matérialiste :  des interactions biochimiques qui résultent dans la création d'un courant électrique qui va conduire à la libération de neurotransmetteurs au niveau de la synapse, ce qui en retour va créer de nouvelles interactions biochimiques. En adoptant une telle approche, les chercheurs ont les outils conceptuels nécessaires et suffisants pour expliquer la conscience, et la mémoire, par exemple. En d'autres termes, le cerveau intègre une multitude de signaux, et il est raisonnable de penser que cette intégration produit la conscience et la mémoire. C'est une hypothèse scientifique dans le sens qu'elle peut être testée scientifiquement. A contrario, toutes les hypothèses implicant une explication non-matérielle à l'esprit (une séparation de l'âme et du corps) n'est pas scientifique : elle ne peut être testée de cette manière. Or il se trouve, et je vais paraître arrogant, mais une hypothèse n'est scientifique que si elle peut être testée par des méthodes scientifiques. Toute autre méthode n'est pas pertinente du point de vue scientifique (et surtout pas la rhétorique). Comme j'ai le gros défaut d'être un matérialiste pur jus, toute hypothèse qui implique une certaine transcendance de la conscience, qui postule que celle-ci ne serait pas la conséquence directe de phénomènes physiologiques est nulle et non avenue. Simplement parce que non démontrable.


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