31 mai, 2005

Serge July, le mépris et le mensonge.

Il est étonnant de constater comment les intellectuels en général, et ceux qui se disent de gôche en particulier, affichent un mépris souverain pour l'expression populaire. Aujourd'hui, 30 mai 2005, jour de gueule de bois pour tous ceux qui auraient voulu nous faire avaler des couleuvres, c'est encore plus flagrant. Je n'ai lu, par masochisme, il faut bien l'avouer, que l'éditorial de July sur le site de libération. Et cela m'a suffit. Il n'était plus la peine pour moi de me rendre sur le site du monde ou de je ne sais quel média dominant... Je savais ce que j'allais trouver dans cet édito. Mais on a beau tenter de s'y habituer, c'est toujours fascinant et révoltant de voir à quel point on peut prendre les gens pour des imbéciles. Simplement sous le prétexte que l'on détient la vérité. Et là, July fait très fort. Il pratique bien sûr un amalgame de circonstance entre le vote souverainiste, voire d'extrème droite, et les votes de gauche (il n'est qu'à voir son laïus pitoyable sur le plombier polonais, comme si le vote de gauche ne prônait pas une solidarité internationale qui se traduirait par des salaires équivalents dans toute l'Europe). Ce qui est déjà révoltant en soi, mais, à la réflexion, on pouvait s'y attendre : le chantage sur le vote commun avec le FN, de Villiers ou le MNR était un argument constant des oui-oui soi-disant de gauche. Mais quand July écrit que les électeurs de gauche ont voté par colère, peur, ignorance... C'est vraiment dénier la possibilité aux gens d'avoir leurs propres opinions. On croirait entendre Raffarin parler du malaise des enseignants. Ou comment disqualifier une idée par des diagnostiques. Que les électeurs aient voté par colère, soit... Qu'ils aient refusé de cautionner une politique décidée conjointement par Paris et Bruxelles, certes... Qu'ils aient eu peur... Qu'ils soient ignorants... Dire, écrire cela, c'est nier le fait que les individus peuvent se déterminer eux-mêmes, en fonction de leurs expériences, de leurs convictions aussi. C'est enfin les infantiliser, un procédé à la mode depuis la sortie sur "la France d'en bas" de Raffarin, refuser le fait que ce vote soit un vote de raison. Car les convictions, que l'on soit d'accord ou non avec, sont toujours affaire de raison, de réflexion. Et pourtant, les gens ne sont pas dupes... Ils voient tous les jours les conséquences du libéralisme, dans la casse des services publics, notamment, et dans le creusement des inégalités, n'en déplaisent aux analystes des indices macro-économiques. Ils savent pertinemment ce que signifierait une telle constitution pour leur vie quotidienne. Est-ce là de la peur ? Refuser de se faire opprimer, est-ce de la peur ou au contraire, une révolte salutaire ? Et que dire, de toute façon des argumentaires des pro-oui ? Quand ceux-ci n'étaient pas du chantage "au vote comme leFN", ils se résumaient à perdire une catastrophe pour la France et pour l'Europe, une perte d'influence, un isolement de la France... Une autre forme de chantage. Pour ma part, les seuls arguments en faveur du oui qui ne ressemblaient pas à un chantage que j'ai pu lire ont été ceux sur la charte des droits fondamentaux, dont tout le monde sait qu'elle n'est absolument pas contraignante. Rien sur la partie III, dont j'ai lu que certains proclamaient partout qu'il ne fallait pas la lire, qu'elle n'apportait rien de nouveau... Certes, à la différence près qu'elle constitutionnalise une politique économique et des traités qui auraient pu autrement être dénoncés. Et cela, qu'on le veuille ou non, c'est vraiment nouveau... A part peut-être dans la constitution de l'ex-URSS...
Pour ma part, le fait que cette constitution appelle les états à renforcer leurs capacités militaires (seul poste de dépense publique à bénéficier d'un tel traitement, d'ailleurs, mais qu'en est-il des écoles, des hôpitaux, postes ?), était déjà rédhibitoire en soi. Sans parler de l'autoriser explicite de pratiquer le meurtre dans le cas "d'arrestation régulière", d'évasion, ou d'insurrection ? On tend là vers une Europe non seulement agressivement libérale, mais aussi militariste et policière. Ce qui, somme toute est logique... Au train où cela va, on reverra bientôt des scènes comme lors des grèves de Fourmies, lors desquelles les mineurs se sont fait massacrer par l'arméé. Je ne doute pas que cela fasse partie des rêves mouillés d'un Seillière ou d'un Sarkozy... Cela est plus étonnant de la part d'un July. M. July aurait-il, après s'être égaré dans sa jeunesse, choisit sa classe sociale ? On dirait. A cet égard, on peut relever que le fait, pour les tenants du oui et les autorités européennes, de dénoncer en Ouzbékistan ce que la constitution européenne prône ici en dit long sur leur hypocrisie. Je pourrais développer, mais je pense que cela suffit pour aujourd'hui