12 janvier, 2010

Daniel Bensaïd est mort, Jean-Marc Rouillan se meurt en prison.

Daniel Bensaïd est mort, c'est triste. D'autant plus qu'il restait l'un des derniers intellectuels à ne pas plier devant le pouvoir et les avantages qu'un ralliement au capitalisme lui aurait sûrement valu. Un penseur qui meurt donc, et c'est triste. Surtout qu'à part Alain Badiou, ceux qui restent, comme Finkielkraut, ont érigé la discussion de comptoir en discours philosophique...

Pendant ce temps, un autre homme croupit en prison alors qu'il est atteint d'une maladie orpheline qui va progressivement l'incapaciter. C'est Jean-Marc Rouillan. Après quelques mois de semi-liberté, il a été remis en prison suite à une phrase parue dans l'express. Certains lui reprochent son refus de se "repentir", ce que, et c'est vrai, sa phrase laissait entendre. Je le cite pour mémoire :
Je n'ai pas le droit de m'exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m'exprime pas est une réponse. Car il est évident que, si je crachais sur tout ce qu'on avait fait, je pourrais m'exprimer. Par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique
Donc, oui, Rouillan ne se repent pas d'avoir tuer René Audran et Georges Besses. Cette phrase lui a valu d'être réincarcéré car elle constituerait une apologie de la lutte armée. Là, par contre, désolé, mais je ne vois aucune apologie, simplement une absence de regrets. Ce prétexte est d'autant plus malhonnête que Rouillan a bien exprimé des regrets, mais ceux-ci concernaient l'erreur stratégique de choisir la lutte armée quand les temps ne s'y prétaient pas. En gros, l'erreur d'action directe a été de se fourvoyer dans l'avant-gardisme. Justifier, alors qu'il est malade, le maintient en détention de Rouillan ? C'est tout simplement criminel, comme il l'a été de maintenir en détention Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon et Georges Cipriani, que la prison a rendu fou.  Bien plus, cela jette une lumière crue sur le genre de justice qui existe en France : Papon (qui n'a d'ailleurs été jugé que pour ses crimes durant la seconde guerre mondiale, ceux qu'il a perpétré dans l'Oranais et à Paris de 1954 à 1962 n'ont jamais été poursuivis car ils sont amnistiés) n'a jamais exprimé le moindre regret d'avoir envoyé des centaines d'individus vers une mort quasi-certaine simplement sur la base de leur religion supposée. Or il a bénéficié d'une liberation pour raisons humanitaires très vite, lui. Nathalie Ménigon, au contraire, aura dû attendre d'être au seuil de la mort, paralysée de tout un côté du fait de plusieurs infractus avant que ses demandes soit enfin acceptées. Il est certain qu'elle demeurait encore dangereuse, à moitié paralysée. Et que dire de Georges Cipriani ? La plupart du temps, il ne doit même pas savoir qu'il est en prison. Quel est le "sens de la peine" infligée à quelqu'un dans cet état si ce n'est celui d'une vengeance barbare de l'Etat contre un de ceux qui ont osé le défier.

Maintenant, on me dira certainement que, oui, c'est bien beau tout ça, mais ils ont quand même tué Audran et Besses. Alors je vais être clair : les tuer étaient une connerie sur un plan politique, comme sur un plan humain. On ne peut vouloir une société meilleure en la bâtissant sur des cadavres, elle sera foncièrement bancale (même si le contexte joue, bien sûr : je ne trouve rien à redire à l'assassinat de Carrero-Blanco  par ETA ou aux tentatives d'assassinat de Franco par mes camarades des JJLL). Ceci dit, la bien-pensance petite bourgeoise voudrait limiter la politique à des discussions policées sur la meilleure façon de gérer le capitalisme, et partant d'exploiter les véritables créateurs de richesses : les travailleurs. Or, non, il y a bien luttes des classes. Il y a bien des ennemis. Pas des adversaires. Des ennemis. Et Audran et Besses en étaient, de ces ennemis. Alors, même si les tuer était une connerie, même si un révolutionnaire sérieux ne s'empêcher de penser qu'éliminer physiquement deux individus qui bien qu'adhérant au système n'en étaient que des rouages ne peut en aucun bénéficier à la cause ; je ne vais pas pleurer sur leur sort.


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