09 janvier, 2010

La "pureté" idéologique

J'ai été, comme tout le monde je suppose, chez mes parents pour ce noël. C'est quelque chose que j'apprécie particulièrement, parce qu'en plus de mes parents, je revois mes amis d'enfance. C'est toujours intéressant de voir comment la vie a tourné pour chacun d'entre nous. La plupart sont casés, la plupart ont des gamins, il y en a même un qui est maire. Bref, à différent niveaux, nous avons tous évolué. Ceci dit, parmi tous mes potes, un est resté, ou plutôt est devenu un peu pénible sur les bords. Il a beau avoir trente cinq ans bientôt, il reste sur des positions politiques sans nuances comme regretter la disparition des épiceries au profit des grandes surfaces ; sans toutefois analyser les changements de la société qui ont favorisé cette mutation comme le travail des femmes, l'éloignement de plus en plus grand du lieu de travail et de l'habitat, les nouvelles formes de familles. Tous ces changements font que l'on a généralement moins de temps à consacrer aux achats. Alors oui, un certain lien a pu disparaître, oui, dans certains cas, la qualité des aliments s'en ressent (mais pas toujours à mon avis). Mais d'une part si l'épicier sympathique a pu exister, l'épicier poujadiste, nostalgique de la peine de mort et électeur du FN (ou de l'UMP de nos jours c'est la même chose) aussi. Se renfermer dans cette nostalgie type "c'était mieux avant" n'apporte rien. Quand j'ai fait remarquer à ce pote que ses positions étaient par trop caricaturales, il m'a sorti que mes gamins finiraient "à l'héro à cause d'internet". Sans mentir. Une réponse qui m'a laissé coi : en général devant des arguments qui insultent mon intelligence, je me tais. Pourquoi perdre du temps ? Et la moindre des ironies n'est pas qu'il utilise internet, aussi. Il lit même des blogs. Je sais que la contradiction fait partie de la vie, mais parfois, il est bon de s'arrêter et de réfléchir

Et il n'est pas le seul a se fourvoyer dans une "pureté" qui à certain moment, ne devient plus qu'un prétexte à l'inaction. Chez les anars, c'est hélas un phénomène fréquent, on appelle ces camarades des gardiens du temple. À Clermont-Ferrand je l'ai vécut au niveau du groupe, mais aussi au niveau de l'organisation toute entière. Je ne vais rentrer dans des détails insipides pour qui n'est pas au fait de ce que peut être une orga anar. Simplement, dans tous les cas, les querelles sont ridicules par rapport aux enjeux. Et pendant qu'un précieux temps est perdu qui pourrait être utilisé à élaborer des stratégies qui aient une chance d'être opérantes, le monde bouge. Et sans propositions à court terme, applicables dans le cadre et après une lutte relativement limitée, personne n'écoute. Trop souvent j'ai lu des articles du Monde Libertaire qui dénonçaient avec raison certaines injustices se terminer par "ce problème sera résolu après la révolution". C'est peu dire qu'une telle phrase signifie simplement que l'on n'a aucune proposition à faire. D'autres camarades s'illusionnaient sur le fait que les luttes permettaient à certaines formes d'organisation d'être expérimentées ou qu'ils avançaient les pratiques anarchistes dans les assemblées générales. Là encore, si cela a pu être vrai sur le moment, rien n'a permit de fixer ces pratiques dans la durée. Évidemment, un tel processus est lent, mais, bien plus, il ne peut être achevé par des luttes sporadiques. Il faut une structure qui permette de fixer ces fonctionnements, et il faut que cette structure soit en phase avec la perception qu'ont nos concitoyens de leur vie et avec leurs aspirations à plus ou moins long terme. Bien sûr, cela introduit un risque : on peut tout à fait imaginer une structure au fonctionnement libertaire mais dont le visées sont tout sauf libertaires : racistes, par exemple. C'est ce qui s'appelle se confronter à la réalité. S'il est vrai que les luttes augmentent la conscience politique des individus, un tel phénomène devrait, on l'espère, rester marginal.

D'autre part, même si un individu donné acquière une nouvelle perspective après une lutte ou un évènement particulier, une fois ceci terminé, les problèmes du quotidien, tout sauf triviaux, reprennent le dessus. Mépriser cela est une erreur. Je ne suis plus militant depuis plus de dix ans, après quelques années d'un militantisme intense et ma compagne n'est pas et ne sera jamais une militante politique, même si elle est profondément de gauche. Cela m'a permit d'avoir une nouvelle perspective. Trop souvent les militants qui ont la tête dans le guidon méprisent ceux de leurs camarades qui ne sont pas comme eux sur ce point, de plus ils ne peuvent comprendre que "le quotidien" si fade qu'il puisse être est un combat de tous les jours pour beaucoup d'entre nous.

À défaut de comprendre cela, les anars qui appellent une révolution de leurs vœux ont le même genre d'attitude que les religieux. C'est peu dire que l'on attend mieux de gens qui se prétendent rationnalistes.


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