31 août, 2011

Deux poids, deux mesures

Quand je militais à la Fédération Anarchiste, une notion communément développée était celle de « démocratie blindée ». Cette notion était intéressante en ce qu'elle posait que, dans les démocraties actuelles, ce qui était acceptable en termes de contestation était strictement borné : le capitalisme et ses fondements sont intouchables, par exemple. Tout comme la démocratie représentative telle qu'elle est pratiquée. Ce qui est intéressant, c'est que cette analyse est souvent confirmée en France, avec la mise en place d'outils de contrôle de la population dont l'objectif policier ne ce cache même plus. Bien sûr, tout cela est fait « pour produire de la sécurité », comme les LOPPSI 1 et 2 le disent. Les politiciens et les journalistes, tout au moins ceux qui ont intégré l'ordre bourgeois, n'aiment pas l'Internet : contrairement à la télévision, il n'est pas amnésique, on peut vérifier les dires des uns et des autres. On peut aussi diffuser des informations que certains aimeraient voir confinées dans certains cercles. Bien sûr, il y a beaucoup d'hurluberlus aussi. Mais la presse écrite d'Europe comporte aussi des torchons, elle n'est déontologiquement parlant pas supérieure à l'Internet, et je ne parle pas de l'audiovisuel.

Alors que Kouchner cherchait à promouvoir une forme de protection de la liberté d'expression sur Internet, Sarkozy a tout fait pour éviter que les conférences voulues par son ministre des affaires étrangères d'alors aient une quelconque substance. Inutile de mentionner que depuis que ce dernier a quitté le gouvernement, la protection de la liberté d'expression — déjà pas trop en cour à droite et sûrement pas chez Sarkozy — n'est même plus mentionnée. Ou lorsqu'elle l'est, c'est comme quelque chose qu'il faudrait limiter, et non promouvoir et protéger.

Les récentes émeutes de Londres ont relancé ce débat, avec, une fois n'est pas coutume, des anciens policiers portant la voix de la raison. Ainsi, alors que les médias et les politiciens eurent tôt fait de blâmer « Blackberry Messenger » ou Twitter, certains de ces policiers disaient que d'une part cela posait des problèmes au niveau légal et que les pillards (de leurs points de vue) vivent avec leur temps, et qu'en conséquence, tous ces phantasmes sur la censure de Twitter ou de BBM durant des évènements tels que celui-ci était non seulement spécieuse, mais aussi dangereuse : c'est ouvrir une boîte de pandore, et qui dit qu'il n'y aura pas ensuite de censure de ces réseaux, sous le prétexte fallacieux d'assurer la sécurité, lors des manifestations ?

 

Ce que j'ai aussi constaté, et je trouve que c'est assez frappant, c'est l'amnésie de la journaille qui, lors du Printemps Arabe, célébrait les réseaux sociaux comme facteur important de ce mouvement. Mais si cela ce passe chez nous, alors cela devient dangereux. Je me rappelle clairement l'embarras d'un journaliste de la BBC qui, alors qu'il pressait un représentant de RIM (la firme canadienne qui fabrique le Blackberry) de questions sur le supposé danger du cryptage pour la société, c'est donné beaucoup de mal pour ne pas mentionner la Tunisie et l'Égypte, pays qui lors du Printemps Arabe ont effectivement coupé Internet pour tenter de limiter le mouvement, avec le succès que l'on sait. Tout, comme, d'ailleurs, il s'est donné beaucoup de mal pour éluder les tentatives de l'Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis pour optenir les clefs du chiffre utilisé par RIM comme une nécessité dans la lutte contre le terrorisme, sans mentionner d'une part le rôle de l'Arabie Saoudite dans la répression au Bahreïn et d'autre part le fait que ces pays se soucient probablement plus de l'avènement d'un mouvement démocratique que de terrorisme (encore que pour les gouvernements de ces pays, tout comme pour les gouvernements occidentaux, c'est probablement la même chose).

 

Encore une fois, deux poids, deux mesures

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