18 juillet, 2011

Le vrai visage des droitards

En exprimant, le 14 Juillet dernier, ce qu'elle pensait du défilé militaire, Éva Joly s'attendait sûrement à ce que la droite, dans son ensemble, devienne hystérique. Elle ne fut pas déçue. À cette occasion, tout ce que la France compte de droite « républicaine » a montré son vrai visage : celui d'une vieille peau aigrie à la cervelle confite dans des traditions surannées. Celui d'une classe sociale soucieuse de défendre son outil de domination, en le faisant passer pour un instrument de protection de la population. Tout le monde sait que les intérêts défendus par l'armée française en Afghanistan ou au-dessus de la Lybie ne s'identifient pas nécessairement avec ceux de la population française, et tout le monde sait — surtout les polynésiens et les kanaks —, que l'armée française, comme toute les armées du monde, est très forte pour tirer sur les populations civiles. Y compris si ces populations sont françaises, comme les grêves de Fourmies ou la Commune de Paris l'ont montré.

Mais ce débat n'est pas très intéressant en soi : l'Histoire a déjà tranché. Et ceux qui voudraient voir, ou nous faire croire, que l'armée est une force qui protège la population française n'en peuvent mais. Ce qui est intéressant, en revanche ce sont les réactions des politiciens et des journalistes, des réactions souvent enflammées à des propos tenus sur un sujet somme toute très secondaire : ce n'est pas quand elle défile sur les Champs Élysées que l'armée est la plus dangereuse pour les libertés publiques.

Ce qui est réellement intéressant, donc, ce sont les réactions des politiciens. Comme à l'accoutumé, le PS joue les « ventres mous » de la politique en France, en considérant d'une part le changement de nature du défilé comme « inacceptable » (dixit Martine Aubry) tout en critiquant les réactions de la droite. On ne saurait blâmer le PS sur ce dernier point, cependant : les réactions de la droite « républicaine » des années 2010 ont plutôt évoqué les cagoulards des années 1930. En fait, ces réactions, comme je l'ai écrit plus haut, ont tout simplement été hystériques. Et celle-ci était telle que même Fillon, soit-disant plutôt modéré (encore que, quand on voit la politique qu'il accepte de mener), s'est laissé aller à puiser dans l'égoût qui sert de référence historique à la droite en France. Que n'a-t-on entendu de remarques sur la « binationalité » de Joly (une notion qui d'ailleurs n'existe pas au sens juridique) qui l'empêcherait de saisir complètement la culture et l' « âme » — comme si une zone géographique pouvait avoir, ou confèrer, une âme — de la France. D'autres éructaient que Joly devait « retourner en Norvège », qu'elle était un agent de l' « anti-France » ou bien une « soixante-huitarde attardée ». Un vocabulaire daté, au mieux, des années soixante-dix, au pire des années trente, à l'époque où la droite préférait Hitler au Front Populaire.

Mais que le PS soit un parti ventre-mou quand il s'agit des valeurs de gauche, ou que la droite soit une collection de vieilles ganaches, on le savait déjà. En revanche, que les éditorialistes et autres plumitifs se mettent au garde-à-vous à la moindre vision d'un type en kaki, voilà qui a de quoi être surprenant. Acrimed a un papier là-dessus. Ces « nouveaux chiens de garde », comme les appelle Serge Halimi, n'ont rien trouvé de mieux à se mettre sous la dent que la provocation d'Éva Joly (je ne crois pas un instant qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait) en dit long sur les sujets que nos éditoriaux daignent traiter, ou sur ceux qu'ils se refusent à traiter. On ne peut que constater qu'ils ont sauté sur cette remarque comme les paras sur Ðien Bien Phu : sans trop réfléchir. La courte recension d'Acrimed, où trois éditos — mais quels éditos, et quels auteurs — sont passés en revue. Ils ont tous une chose en commun : ils commencent, grands princes, par reconnaître le droit à Éva Joly d'exprimer son opinion sur le sujet… Pour le lui retirer aussitôt, au prétexte qu'elle serait un personnage public. Une candidate à l'élection présidentielle, qui plus est ! J'aimerais que ces éditocrates nous disent — honnêtement — en quoi cela est-il intéressant. Et qui sont-ils, d'ailleurs, pour décider de ce qui peut être dit, écrit, etc… ? Les trois éditocrates cités par Acrimed prétendent que ce qu'a dit Joly, mets la démocratie française — ou le peu qu'il en reste — en danger. Mais pourquoi ? Et comment ? Aucun argument ne vient étayer cette affirmation. Rien. On a beau relire ces éditos, le seul argument mentionné est celui du « lien armée-nation ». Un lien dont on aimerait avoir une façon de mesurer s'il existe réellement ou s'il est un dispositif de propagande pour faire passer un instrument de répression en instrument de protection des citoyens. Les poilus, ceux qui se sont mutinés, ceux qui ont écrit la « Chanson de Craonne » savait pour quels intérêts ils mourraient, et ils savaient que ce la « Nation » n'était pas le peuple français mais plutôt une infime partie des français. Et puis, la bataille de Valmy, c'était il y a longtemps…

 

Et pendant que les éditocrates déblattèrent sur cet épiphénomène, où sont les enquêtes de journalistes sur l'impact du régime sarkozyste sur la vie de ceux qui habitent en France. Où sont les reportages sur les traitements inhumains et dégradants infligés par la police française aux Sans-papiers ? On voit peu les actions et les rapports des No Border dans l'Express, le nouvel Obs ou au Figaro.

Aucun commentaire: