20 juillet, 2010

Une réponse à GFP.

GFP, merci de ce commentaire, le premier sur ce blog par ailleurs confidentiel. Qui plus est sur un billet posté hier, par quelqu'un qui s'est inscrit sur blogger en juillet 2010. Que de nouveautés en une journée. Enfin, je fait un billet normal car ma réponse fait plus de 4096 caractères : elle ne tient pas dans la section commentaires.


Pour répondre aux remarques qui sont faites, certes, un promoteur donné va gouverner l'expression du transgène. Toutefois, le promoteur et les facteurs de transcriptions qui lui sont associés ne sont pas les seuls déterminants de cette expression. En laboratoire, il peut arriver qu'un transgène ne s'exprime alors que tout l'appareillage nécessaire à son expression est présent : la structure de la chromatine peut jouer un rôle, et donc l'endroit où le transgène est inséré dans le chromosome, par exemple. Au niveau d'une toxicité éventuelle du transgène pour la plante, je voulais effectivement parler de "fitness cost", ce qui revient, si l'on se place, comme je le faisais, dans l'hypothèse d'une dissémination de la plante transgénique dans l'environnement à une toxicité : la plante en question ne pourra être compétitive par rapport aux variants sauvages que si la pression de sélection est présente. Ce qui, encore une fois dans l'hypothèse où cette plante est disséminée limitera le risque d'envahissement que certains craignent.

Concernant l'accumulation de substances "plus ou moins" toxiques, il était bien entendu que cela dépend des substances utilisées. Le problème se pose au cas par cas, donc, et non en général. Mais il impose que les OGM mis sur le marché, et surtout les produits qui vont avec, dans le cas d'une résistance à un herbicide soient testés pour leur impact sur l'alimentation et la santé humaine et animale. Concernant le glyphosate, il semblerait que le produit ne soit pas aussi inoffensif que vous le laissez entendre. D'ailleurs, cela me fait penser que les anti-OGMs ont aussi raison de pointer le risque d'abus dans le cas plantes résistantes à certains herbicides : on pourrait avoir tendance à augmenter les doses de ces herbicides pour s'assurer que seule la plante d'intérêt pousse. Un comportement qui, comme dans le cas de l'utilisation massive d'engrais, pourrait avoir des effets délétères sur l'environnement. Effectivement, les "alternatives" ne sont pas forcément réjouissantes non plus. Ce qui d'ailleurs pointe la difficulté du problème.

La brevetabilité, enfin. Il est bien entendu qu'il n'est même pas nécessaire d'insérer un transgène pour breveter une espèce donnée. Les paysans des pays du tiers-monde ont d'ailleurs pu l'apprendre à leurs dépends. Que les paysans soient obligés de racheter les semences tous les ans n'est pas une surprise : si ce n'était pas le cas, il n'y aurait pas de semenciers. Mais, personnellement, je ne vois pas cela d'un bon oeil. La brevetabilité du vivant, transgénique ou pas, n'est pas souhaitable : elle freine la recherche (c'est le cas du brevet sur BRCA1 détenu par Millenium Pharmaceuticals aux États-Unis, brevet qui est actuellement contesté par des médecins et des associations de malades du fait des surcouts qu'il engendre pour un diagnostic ou pour la recherche) et elle prive l'humanité de quelque chose qui devrait faire partie du bien commun.

Enfin, je suis d'accord : une opposition "aux OGMs" en général n'a pas de sens. Les différents transgènes doivent être traités au cas par cas, mais, selon moi, des procédures doivent être mises en place pour que le risque éventuel soit ramené dans des proportions raisonnables.

Concernant le dernier paragraphe, le choix d'une culture, et d'une façon de cultiver dépasse le simple choix économique : il y a un facteur environnemental à prendre en compte. Toutefois, loin des imprécations des uns et des autres, une politique raisonnée, basée sur les données scientifiques disponibles devrait être possible, à mon avis. Bien entendu, cela suppose d'une part un abandon d'une posture millénariste qui prédit l'apocalypse à la moindre avancée scientifique, et d'autre part cela suppose aussi l'abandon de la communication (au sens de propagande) qui voudrait nous faire croire que les OGMs sont la panacée. Pour les semenciers, certainement, mais comme je n'ai pas d'actions, ni chez Novartis, ni chez BASF, ni chez Monsanto et encore moins chez Limagrain ou Merystem therapeutics, on me pardennera de ne pas trouver cette perspective intéressante.

Cependant, je dirais que, au final, si 78 % de la population refuse de consommer des OGMs, ce choix n'a pas à lui être imposé. Même si ce refus est basé sur de mauvaises raisons. Je détesterais l'abandon de l'étiquetage, comme aux États-Unis, par exemple. Personnellement, consommer de la lécithine issue de soja transgénique ne me gène pas, mais j'estime que c'est un droit du consommateur que d'être informé sur ce qu'il achète. Et de pouvoir exercer un choix en connaissance de cause.

2 commentaires:

GFP a dit…

Bonjour,

Merci pour cette longue réponse. Je n'avais pas fait attention à la nouveauté de ce blog. Je suis tombé sur votre billet par hasard à la suite d'une recherche google. Néanmoins, étant du genre pointilleux je vais à nouveau vous répondre sur quelques points... désolé.

1/ Effectivement il arrive qu'un transgène ne s'exprime pas ou mal. Cela dépendra de l'état de condensation de la chromatine au site d'insertion. Il peut aussi arriver qu'un transgène soit "silencé". Cela n'empêche que dans les plantes commercialisées l'expression du transgène est testée sur plusieurs géénrations. C'est une obligation car ce point est demandé dans les dossiers d'évaluation. Le transgène s'exprimera que l'herbicide, l'antibio ou les ravageurs soient présents ou non.

2/ Concernant le fitness cost, il n'implique pas fornément une forme de toxicité du trait introduit. Disons qu'il peut ne pas conférer un avantage. Le principal risque n'est pas par rapport à la plante de culture elle-même mais en cas de croisement avec une plante apparentée sauvage. C'est la raison pour laquelle les betteraves résistantes au glyphosate n'ont pas été autorisée en Europe à la culture (à vérifier cependant, c'est une info que j'ai en tête et qui date un peu). Une mauvase herbe qui acquièrerait le transgène par croisement aurait un avantage sélectif lors de la pulvérisation de glyphosate (mais n'en aurait pas sans traitement).
Les plantes de cultures n'ont aucune chance d'être envahissantes, quelque soit le caractère introduit. Elles ont été tellement modifiées par l'homme au fil des siècles qu'elles seraient incapables de survivre plus de quelques générations hors de champs cultivés. Elles ne sont plus du tout adaptées aux conditions "sauvages".

3/ Sur l'accumulation de substances dans les plantes GM celles-ci doivent être évaluées au cas par cas. Le glyphosate est moins toxique que du sel de cuisine. Les publications récentes (de piètre qualité) par les anti-OGM du criigen ne remettent pas en cause ce point (et je ne travaille pas pour monsanto, je rappele des faits).

4/ Le principal risque d'une plante résistante à un herbicide (du type "roundup ready") est d'abuser de cet herbicide. Non pas en terme de quantité car l'agriculteur ne pulvérisera pas plus que ce qui est nécessaire (chaque traitement à un cout qui entame les bénéfices) mais en terme de risques liés à la non-rotation des molécules utilisées. Ne pas faire de rotation de molécules favorisera le développement de résistances chez les adventices et donc risque de rendre inutile l'herbicide en question. C'est un risque non-négligeable auquel est actuellement confronté un certain nombre d'agriculteurs aux USA et en Argentine.

à suivre...

GFP a dit…

(suite...)

5/ Sur la brevetabilité je suis partiellement d'accord avec vous. Le brevet a du bon. Il permet de protéger les découvertes et de favoriser l'investissement. Sans brevet, pas d'innovation. Je suis d'accord sur le fait que le brevet sur des gènes ne devrait pas être autorisé. Le Brevet sur BRCA1 a d'ailleurs été invalidé en mars dernier par une cour de justice américaine. Ils ont estimé qu'il n'y avait pas de nouveauté permettant de justifier le brevet. C'est une bonne chose. Breveter un gène est un peu trop facile. Par contre il devrait être autorisé de breveter un outil développé à partir d'un gène, un peu comme le trait RR ou les traits introduits dans les plantes Bt. Il y a dans ce cas utilisation du gène pour en faire quelque chose de neuf et d'utile. Breveter le gène freine l'innovation car les labos n'ont donc plus autorisation de développer des outils à partir des gènes brevetés sans payer de droits. Je suis d'accord là-dessus.

6/ Tout comme vous je ne vois pas dans la transgènse "la panacée". C'est un outil formidable mais ça s'arrête là. Certains OGM (de cultures) amèneront sûrement de grand bienfaits (notamment des plantes capables de mieux assimiler l'azote) mais les techniques de sélections classiques ont aussi leur mot à dire.

7/ Si la population refuse autant cette technologie c'est parce que depuis 15 ans seuls les antis ont un accès exclusif aux médias où ils peuvent répéter ad nauseum les mêmes âneries apocalyptiques. A force d'entendre les mêmes mensonges en boucle les citoyens finissent par croire que ce sont des vérités. Ceci dit si l'on consulte l'Eurobaromêtre 2005, l'opposition radicale n'est pas aussi élevée que ce que l'on a l'habitude d'entendre. Seuls 30 à 35% des Européens sont fermement opposés aux OGM.
L'étiquetage d'aliments préparés avec des OGM est obligatoire en Europe si leur présence dépasse les 0,9%. Le consommateur a donc le choix.

Cordialement