24 juin, 2009

La touchante naïveté de certains jounalistes

De temps en temps, je vais lire le blog de Jean Quatremer, journaliste à Libération et communiquant de l'Union Européenne. Parfois je tombe sur des perles : Quatremer est le seul bloggueur que je lis capable de troller dans les commentaires de son propre blog. C'est fort. Évidemment, il vaut mieux être de son avis si on veut échapper à la citation hors contexte ou à l'ironie facile. C'est tellement mauvais que parfois je me demande si il le fait exprès ou si il ne comprend pas certains commentateurs (ils va de soi que d'autres commentateurs méritent amplement son ironie, mais bon, eux, ils ont l'habitude de polluer n'importe quel site avec leurs a-réflexions, j'y reviendrai un jour).Mais revenons à notre mouton, Quatremer, donc. C'était à l'occasion de son billet sur le discours fédéraliste de Ségolène Royal. Un commentateur, Mael, fait la remarque suivante :



L'Europe ou le chaos du nationalisme ?



Et après on veut nous faire croire que les eurofédéralistes ne jouent pas sur les peurs...



On peut vivre en bon voisins, avec des lois différentes mais en bon termes.



Les USA sont indépendant du Canada, pourtant ils ont d'exellentes relations.



Ségolène a son avis sur l'Europe très bien... mais comment peut-elle dire que les français veulent "plus d'Europe" ??



Elle le voit au taux d'abstention élevé des élections européennes ? Au résultat sur du référendum du 29 mai 2009 ?



Elle prend ses rêves pour la réalité...


Auquel Quatremer répond :



Excellente remarque, pleine de finesse et qui montre une connaissance de l'histoire hors du commun. Combien de guerres déjà entre le Canada et
les Etats-Unis? J'ai oublié et j'aimerais beaucoup que vous me
racontiez les guerres américano-canadienne, les dizaines de millions de
morts, les destructions mutuelles, etc. Racontez moi, j'attends avec
impatience. J'imagine que votre exemple n'est pas dû au simple hasard?
Vous auriez pu aussi nous citer des pays Africains, moyen-orientaux,
orientaux aussi? Je ne sais pas, moi, par exemple l'Inde et le Pakistan
dont l'harmonie est tellement parfaite qu'on rêve tous de copier ce
modèle.


Admirez la rhétorique pubère de notre plumitif. Pris d'un doute affreux quand aux guerres nord-américaines, qu'il sous-entend nombreuses et meurtrières, je vérifie et lui réponds ensuite :




Il me semble qu'il n'y a eu que deux guerres américano-canadiennes. Toutes
lorsque le Canada était sous domination britannique. Et moins de 10.000
morts en tout. Une histoire pas idyllique, mais loin de ce qui ce
passait en Europe à l'époque (guerres napoléoniennes).

Même si je ne suis pas d'accord avec Mael, votre remarque est loin d'être un modèle de finesse non plus.

Je ne lui ai rien dit à propros des tensions indo-pakistanaises : il a évidemment raison. Il ne me réponds pas tout de suite : il a été démasqué, son argument sur le Canada et les États-Unis, qui contrait celui de Mael quand à la bonne entente de ces deux pays est fallacieux, et il le sait. Un autre commentateur le reprend en faisant remarquer à juste titre qu'il y a eu une guerre civile au sein d'une fédération. Auquel Quatremer répond :

Il y a d'autres grands pays, comme la Russie, au hasard, qui a souvent fait la
guerre a ses voisins. L'espace et la richesse en matière première
n'expliquent pas tout.

La guerre de Sécession a été une guerre civile. Quant aux guerres
américaines, cela va dans mon sens: je ne connais aucun pays qui vit
dans un espace de paix perpétuel comme l'Union. Aucun.



Et là, je dois dire que je suis un peu irrité : mon commentaire n'allait pas dans son sens, au contraire, il signifiait simplement que oui, il y a bien eu des guerres entre les États-Unis et le Canada (toutes à l'initiative des États-Unis, d'ailleurs), et que non, elles n'ont pas eu le bilan catastrophique qu'il leur prête. D'autre part, ces guerres ont eu lieu alors que les États-Unis n'avaient pas encore la forme qu'ils ont à l'heure actuelle : leur territoire s'étendait à peine vers l'Ouest du Missippi à cette époque. C'est-à-dire extrèmement tôt dans l'histoire commune des deux pays (en prenant une vision européo-centrée ici, mais c'est pour la commodité du propos). En d'autres termes, le Canada et les États-Unis ne se sont pas fait la guerre depuis plus de 150 ans. Mon commentaire n'allait pas dans son sens, au contraire, il tendait à démontrer la fausseté de son argumentaire concernant la soi-disant histoire sanglante que le Canada et les États-Unis partagent (je ne parle pas ici des "premières nations" qui se sont fait allègrement massacrer des deux côtés de la frontière, un peu moins au Canada, peut-être). Si il perd son boulot à Libé, il peut chercher dans la politique, il a les "qualités" requises : mensonge éhonté et déni de la réalité. En fait, il peut direct prendre sa carte a l'UMP : avec un CV pareil, il aura bientôt un poste de ministre. Ceci dit, vient la perle de son commentaire :
je ne connais aucun pays qui vit dans un espace de paix perpétuel comme l'Union. Aucun.
Quoi ? Attends mon petit Quatremer, tu délires, là, non ? L'Union n'a que cinquante ans, et encore, le projet européen a changé plusieurs fois de forme entre 1954 et 2009. C'est un peu court pour parler de perpétuel, non ? De plus il y a des états fédéraux qui ont bien subit des guerres civiles : les États-Unis déjà mentionnés avec la célèbre guerre de Sécession, la Suisse avec la guerre du Sonderbund (pour ne parler que de la plus récente) et enfin, encore plus prêt de nous dans le temps, la guerre qui a déchiré la Yougoslavie, qui était aussi un état fédéral.
L'Histoire est claire : le fait de se fédérer n'implique en aucun cas un état de paix perpétuelle. Et l'on ne peut juger de ce qui se passera en Europe dans les années à venir. D'autant, comme l'écrit Quatremer lui-même dans cette note (au passage, à la fin de cette note, il laisse entendre que vouloir une Europe de gauche est être eurosceptique; pourquoi l'Europe doit être de droite, selon lui ?), qu'il existe des courants nationalistes forts, surtout en Europe centrale où la question des minorités n'est pas réglée. Il se peut très bien que, comme cela s'est pas passé en Yougoslavie, des politiciens instrumentalisent certains conflits pour leur profit personnel. On voit ce que cela a donné.
Alors franchement, dire que l'Union est un espace de paix perpétuelle, j'aimerais bien, hein, ce n'est pas le problème, mais un minimum de rigueur intellectuelle permettrait d'éviter d'écrire de telles bêtises.


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