07 octobre, 2011

11 Septembre 2001

Bon, tout le monde y va de son billet, où il ou elle était le 11 Septembre 2001, ce qu'il ou elle faisait, ce qu'il ou elle a pensé, ressenti… Alors, moi, j'étais au boulot, encore en France et j'ai d'abord cru à un canular, puis à un accident, puis, quand le second avion a percuté la tour Sud, là je me suis dit que c'était un attentat. Mais, au contraire de Gascogne, jamais je ne me suis « sentit américain ». Après un moment de stupéfaction devant l'ampleur de l'attaque, j'ai vite repris les réflexes que j'avais à l'époque et je ne me suis jamais laissé aller à aucune émotion décervelée. Je me suis très vite dit que c'était le début d'un nouveau chantage émotionnel dans les démocraties occidentales. Ça n'a pas raté :  dès le lendemain, les éditocrates en poste à l'époque — essentiellement les mêmes qu'aujourd'hui — ont sommé les altermondialistes, dont je faisais et fait toujours partie, de se taire, d'accepter le monde tel qu'il était, sous peine d'être accusés de complicité avec les terroristes. D'aucuns disaient même, en usant d'une pirouette rhétorique que n'aurait pas renié un procureur stalinien, que les altermondialistes étaient les alliés objectifs des terroristes.
J'ai vu aussi assez vite les conséquences de cette attaque : l'érosion des droits tant aux États-Unis qu'en Europe, l'attaque sur l'Afghanistan, un mois après l'attaque sur les tours, alors que les talibans de l'époque réclamaient des preuves de l'implication de Ben Laden avant de le livrer — preuves que les États-Unis ont refusé de fournir —, et la montée en puissance de la propagande en faveur d'une attaque de l'Irak. Cette propagande est importante : à mon sens, c'est elle qui fonde toutes les théories du complot relatives au 11 Septembre 2001, mais je reviendrais sur ces théories plus tard. L'Irak était d'abord présenté comme un havre pour Al-qaïda, alors que, pays laïque en terre musulmane, il constituait une aberration au yeux de cette organisation. Ensuite, on a eu droit aux mensonges concernant les armes de destruction massive, mensonges dénoncés dès le début par les inspecteurs de l'ONU et puis, quand ce prétexte s'est lamentablement effondré, Blair et Bush ont inventé la démocratisation de l'Irak ; alors que, durant l'occupation de leurs troupes, ils ont tout fait pour éviter la tenue d'élections (ils ont dû céder sous la pression), que la répression syndicale exercée par les puissances occupantes (avec meurtre de syndicalistes) doit faire partie des rêves humides de Laurence Parisot et qu'ils voulaient renverser un dictateur sanguinaire qu'ils avaient contribué à fabriquer. C'est d'ailleurs tout le sens du procès de Saddam Hussein : il était jugé pour des crimes étalés sur une période de temps relativement restreinte, s'il en eût été autrement, l'implication de l'Occident dans les crimes qu'il a commis serait apparue au grand jour. Et quand je parle d'Occident, je parle bien sûr des États-Unis et de la Grande-Bretagne mais j'y inclue aussi la France et l'Allemagne.

Ces différents mensonges, alliés à l'érosion de la démocratie en Occident, et plus particulièrement aux États-Unis où le « Patriot Act » autorise la surveillance des lectures de la population, à conduit au développement des théories du complot qui toutes sous-entendent que cet acte terroriste était le fait d'une agence du gouvernement américain. Ces théories de la conspiration sont bien pratiques, parce que pendant que l'on s'empaille là-dessus, on ne parle pas de choses plus importantes, comme les conséquences qu'ont eu ces attaques sur les libertés dans les pays de l'Ouest ou les conséquences, beaucoup plus dramatiques celles-là, pour les habitants du Moyen-Orient.
En outre, après avoir lu la prose des tenants des théories de la conspiration, j'en suis venu à une conclusion pas très sympa pour ces derniers : ils reprochent souvent à leurs critiques d'accepter sans réserves ce qu'ils appellent la « thèse officielle » alors qu'eux-mêmes ne valent pas beaucoup mieux lorsqu'ils sont confrontés aux incohérences de leurs thèses. C'est pire que cela : ils prennent pour un journal scientifique un truc qui ne vaut pas mieux que «Answer in Genesis », et ils considèrent comme un papier fondamental, et « prouvant » qu'il y a eu des explosifs dans les tours, un papier qui a entraîné la démission d'au moins deux éditeurs — les éditeurs d'un journal ne démissionnent pas pour rien : c'est une position prestigieuse — dans une revue publiée par une maison d'édition qui publierait n'importe quoi, juste pour faire du fric. On a beau mettre le nez des complotistes sur ces faits, qui disqualifieraient n'importe quel papier, ils prétendent que cet article n'a jamais été réfuté. Et il est clair que l'on ne trouve pas de réfutation dans les journaux à comité de lecture. Mais c'est peut-être que les chercheurs sérieux ont autre chose à foutre qu'à investir du temps et de l'énergie dans quelque chose qui, de toute façon, ne servira à rien : les complotistes ont déjà décidé de ce qui était vrai ou pas. Tout ce qu'une telle entreprise pourrait rapporter au chimiste qui se lancerait dans pareille entreprise, c'est l'accusation d'être partie intégrante du complot. Au reste, dans des forums ou des blogs, cet article a déjà été réfuté. D'ailleurs, l'auteur principal du papier, Niels Harrit, ne semble pas vouloir discuter de ses résultats avec d'autres scientifiques. Je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi. Peut-être parce que le monsieur est un tantinet mégalo ?

Une autre caractéristique intéressante de ces types, c'est leur arrogance, inversement proportionnelle à leurs connaissances. Ainsi, j'ai quand même vu un type clâmer que le calcul des forces impliquées dans la chute des tours du World Trade Center était du niveau du secondaire, avec un physicien qui en plus, le corrige sur ce calcul facile. Cela ne l'a pas fait changer d'avis. De même, le célèbre — et infame — papier de Harrit et al comprend des techniques que l'on ne voit pas au secondaire, et l'on ne peut évaluer les conclusions de ce papier sans connaître ces techniques, ne serait-ce que pour voir si les conclusions tirées sont en accord avec ce que ces techniques permettent de déduire. Et sans cette compétence, on ne peut évaluer la qualité d'un papier et donc décider si ce qu'il raconte fait sens ou non.

Dans ce dernier cas, on est obligé de se reposer sur des « savants », des types qui ont étudié les techniques impliquées et ont les outils pour en déduire quoique que ce soit. C'est une démarche sensée si l'on n'est pas prêt à faire un mastère en chimie ou en construction civile. Pas pour les complotistes : une telle démarche repose sur la confiance (comme si leur acceptation de ce qui est dit par ailleurs ne relevait pas d'une confiance — aveugle, pour le coup), et l'on ne peut pas faire confiance, on va donc utiliser son bagage (le plus souvent du secondaire) pour avoir une opinion sur des faits qu'un bagage du secondaire ne peut expliquer. L'autre démarche, c'est de dire que « la science ne peut pas tout expliquer » ; alors, le doute est permis. Certes, d'ailleurs, à ce que j'ai compris, la FEMA ou le NIST ne prétendaient pas tout expliquer dans leurs rapports. Mais ce doute doit être basé sur un raisonnement un peu plus solide que celui qui consiste à dire que « la FEMA et le NIST ne peuvent pas tout expliquer, donc il y a eu complot ». En fait, c'est une contradiction chez eux : d'une part ils disent que la science ne peut pas tout expliquer (ce qui est vrai), et d'autres part, parce que les organismes chargés d'étudier la chute des tours du WTC ne peuvent pas tout expliquer, il y a eu complot ; impliquant donc que la science peut tout expliquer et que ne pas le faire signe le fait qu'il y a eu un complot. C'est un superbe exemple de rhétorique. Elle ne trompe que les bénêts, mais bon…

Il faut toujours se méfier des types qui vont avancer avec une telle rhétorique : il y a de grandes chances pour qu'il y ait embrouille.

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