06 mars, 2011

10E-23

Pas mal de personnes autour de moi sont des critiques féroces des scientifiques. Suivant l’interlocuteur, ceux-ci seraient vendus au grand capital, des apprentis sorciers qui feraient courrir des risques inacceptables pour l’humanité ou, plus bizarrement encore, de tristes sires qui voudraient éliminer le rêve que l’ignorance serait sensée confèrer. Aucun de ces épithètes n’étant, bien sûr, exclusif, en sorte que nous sommes souvent dépeints comme des types plus ou moins jaunissants, à lunettes, chauves et voûtés qui ne sentent pas forcément très bon à force de traîner trop prêt des bouteilles de formol. Si le scientifique est une scientifique, à part le fait d’avoir un peu plus de cheveux sur le crâne et un « look » suranné, rien ne change, foncièrement. Çà, c’est en France. Parce que au Royaume-Uni, être chercheur, c’est cool.

Bon, le problème n’est pas tant dans les stéréotypes — encore qu’ils en disent long, à mon sens —, mais dans ce qu’ils révèlent de l’ignorance qu’ont la plupart des gens du fonctionnement de la recherche, de l’importance qu’elle a dans la construction du monde tel qu’on le connaît, et dans le fait qu’elle — mais oui — sauve des vies.

Cette ignorance conduit à des drames comme celui-ci, où un couple de végétaliens a refusé l’hospitalisation de leur fillette laquelle est morte. Dans un registre moins dramatique, il y a l’homéopathie.

L’homéopathie postule, en gros, que l’on peut soigner le mal par le mal. Hannemann est le charlatan médecin responsable de cette escroquerie, qui dure plus de deux cent ans. Quels sont les prédicats de cette « méthode » ? Simplement, Hannemann a décidé, et c’est bien le terme, que l’on pouvait soigner un mal en utilisant des composés qui provoquent les mêmes symptômes qu’une maladie donnée. Heureusement pour ceux qui croient que l’homéopathie marche, il a aussi décidé que plus cette substance est diluée, plus elle est efficace. Cerise sur le gâteau, un peu comme avec un Orangina, il faut bien secouer pour qu’il y ait un effet.

Ceux qui croient que l’homéopathie fonctionne me diront certainement, que, « oui, ça à l’air farfelu, mais ça marche ; la preuve, j’ai soigné le rhume de mon bambin en trois jours avec Oscillococcinum™. Deux choses : primo, voilà comment est préparé l’Oscillococcinom. D’où ma remarque sur le fait qu’il est heureux que ces « préparations » soient très diluées. Deuxio, « La durée du rhume courant est de sept jours en moyenne et les symptômes sont plus intenses entre le troisième et le cinquième jour. » Comme en général on ne commence le traitement que lorsque les symptômes sont les plus intenses, on voit que cette « guérison » ne doit rien au « traitement » homéopathique. C’est simplement ce que l’on pourrait appeler un retour à la normale.

Les homéopathes, et avec eux tous les charlatans, prétendent que la science actuelle ne sait pas répondre, ou plutôt comprendre, les paradoxes que leur pratique induit. Ils prétendent que même si les dilutions qu’ils utilisent vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour se débarasser d’une molécule, leurs pilules sont quand même efficaces. Et de citer des anecdotes de guérisons plus ou moins miraculeuses. Mais voila des anecdotes ne sont pas des données scientifiques. Et dès que l’on se met à tester leurs assertions dans des essais cliniques randomisés et en double aveugle (le patient ne sait pas ce qu’il reçoit, le médecin ne sait pas ce qu’il donne), cette affirmation vole en éclats. Particuliérement si on se réfère aux méta-analyses (qui compilent toutes les études sur un traitement donné pour une indication donnée), qui démontrent que les effets des traitements homéopathiques ne dévient pas par rapport à ce qui est observé pour des placebos. Voici un exemple qui concerne l’hyperactivité et son « traitement » par homéopathie. Ce que disent les auteurs de cette étude :

AUTHORS' CONCLUSIONS: There is currently little evidence for the efficacy of homeopathy for the treatment of ADHD. Development of optimal treatment protocols is recommended prior to further randomised controlled trials being undertaken.

À noter que, en sciences, « little evidence », qui signifie « peu de preuves », est une tournure diplomatique. Ce qu’il faut lire, en fait, serait plutôt du genre « pas de preuves du tout ». Ce que les homéopathes et leurs malades observent est un effet bien connu, culturel autant que médical : l’effet placebo. Un effet si puissant que l’on peut faire vomir quelqu’un rien qu’en le convaincant que l’antiémétique qu’on lui a prescrit est en fait un vomitif. Bien sûr, celui qui convainc doit être dans une position d’autorité.

 

Pourquoi me direz-vous, je m’en prends aux homéopathes ? Si, en Europe, leur impact sur la santé publique est relativement limité (encore que…), que dire de celui-ci quand ils préendent soigner le SIDA en Afrique ou le choléra en Haïti, ça me pose un autre problème. Loin de proposer une alternative à la médecine basée sur les faits, ils proposent à ces populations la seule alternative à la vie : la mort.

 

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