02 août, 2009

Réductionnisme vs charlatanisme

Je ne suis pas philosophe, je suis un scientifique. Ceci dit, j'ai plusieurs fois été confronté à des philosophes qui voulaient m'apprendre mon métier. Le problème avec certains philosophes des sciences, c'est qu'ils ne sont pas scientifiques eux-mêmes. La plupart n'ont jamais mis les pieds dans un labo et ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, les limites techniques de notre travail. Ainsi, le domaine qui est le mien est souvent pointé du doigt pour son "réductionnisme" sa tendance à "saucissonner" les problèmes. Ce qui est remarquable, c'est que cette critique, qui m'a été faite au sujet de la biologie en général, l'a été en s'appuyant sur Bergson, qui apparemment ne la formulait qu'en ce qui concernait les sciences cognitives. Un autre point est qu'elle a été formulée avant la révolution de la biologie moléculaire, ce qui l'a rendue obsolète. En effet, les progrès dans les les méthodes d'analyses autorisent de plus l'exploration du métabolisme d'une cellule dans son ensemble. Ceci dit, la complexité d'organismes aussi "simples" que la levure d'une part, et la masse de données produites par les nouvelles technologies telles que les puces à ADN ou les études d'interaction à haut débit utilisant la spectrométrie de masse obligent à une certaine validation des observations, simplement pour distinguer un phénomène significatif du point de vue physiologique d'un simple bruit de fond. Et cela implique un retour à des méthodes que d'aucuns qualifieraient de "réductionnistes" : l'étude du comportement d'une protéine dans une ou plusieurs conditions définies. La différence fondamentale, c'est que les chercheurs ont à l'esprit le contexte environnant. D'ailleurs, je trouve un peux présomptueux de la part de certains philosophes de penser que les chercheurs n'ont jamais réfléchis à ce problème. Encore une fois, les limites techniques conditionnent les capacités d'interprétation. C'est une notion importante : pour retourner vers les neurosciences, la seule approche scientifique qui vale est matérialiste :  des interactions biochimiques qui résultent dans la création d'un courant électrique qui va conduire à la libération de neurotransmetteurs au niveau de la synapse, ce qui en retour va créer de nouvelles interactions biochimiques. En adoptant une telle approche, les chercheurs ont les outils conceptuels nécessaires et suffisants pour expliquer la conscience, et la mémoire, par exemple. En d'autres termes, le cerveau intègre une multitude de signaux, et il est raisonnable de penser que cette intégration produit la conscience et la mémoire. C'est une hypothèse scientifique dans le sens qu'elle peut être testée scientifiquement. A contrario, toutes les hypothèses implicant une explication non-matérielle à l'esprit (une séparation de l'âme et du corps) n'est pas scientifique : elle ne peut être testée de cette manière. Or il se trouve, et je vais paraître arrogant, mais une hypothèse n'est scientifique que si elle peut être testée par des méthodes scientifiques. Toute autre méthode n'est pas pertinente du point de vue scientifique (et surtout pas la rhétorique). Comme j'ai le gros défaut d'être un matérialiste pur jus, toute hypothèse qui implique une certaine transcendance de la conscience, qui postule que celle-ci ne serait pas la conséquence directe de phénomènes physiologiques est nulle et non avenue. Simplement parce que non démontrable.


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